IL NE FALLAIT PAS attendre la crise des subprimes, le ralentissement économique, la hausse des matières premières et des produits alimentaires pour savoir que la monnaie unique joue un rôle protecteur pour les économies européennes. L'euro absorbe en partie le choc du prix du pétrole qui, à 125 dollars le baril, n'est payé par nous que 84 euros. Certes, c'est encore trop cher, et nous en subissons tous les jours les conséquences. Mais il n'est pas difficile d'imaginer ce qui se serait passé si l'euro était à parité ou plus faible que le dollar. Il s'agit là d'un seul exemple ; il y en a des milliers.
Dès la mise en service de la monnaie unique, les consommateurs ont dénoncé le comportement des commerçants qui ont ajusté les prix à un niveau constamment supérieur en tirant avantage de la difficulté à convertir les prix en francs au moyen du calcul mental. Cet effet inflationniste n'a pas duré, même si, par ignorance, beaucoup d'acheteurs continuent à attribuer à l'euro la hausse actuelle des prix, qui est considérable depuis la fin de l'année dernière.
L'EURO NOUS PROTEGE CONTRE UNE INFLATION QUI AURAIT ETE PIRE AVEC LE FRANC
Un organisme indépendant.
C'est clair : compte tenu des performances médiocres de notre commerce extérieur, nous aurions été contraints, en l'absence de l'euro, de dévaluer le franc, ce qui aurait porté à des sommets les prix de toutes nos importations. L'euro, gagé sur plusieurs économies, dont certaines sont florissantes (l'Allemagne), et sur des réserves de change accumulées par les plus prospères des pays européens, est une monnaie solide. Non seulement elle nous permet d'acheter à bon marché à l'extérieur de la France, mais elle fluctue très peu par rapport aux autres monnaies.
Depuis la naissance de l'euro, les gouvernements français successifs se sont plaints amèrement chaque fois qu'il s'appréciait par rapport au dollar. Jusqu'au moment où on s'est aperçu qu'il n'avait nullement freiné la croissance en France et que, face à la montée insensée du prix du baril, il servait à atténuer le choc.
Conçue pour être indépendante des gouvernements, la BCE n'a cessé de poursuivre le même objectif : la lutte contre l'inflation, considérée comme la mère de tous les maux. Le président actuel de la BCE, Jean-Claude Trichet, a donc résisté à toutes les sollicitations, à tous les emportements, à toutes les objurgations. Il a toujours pensé que l'inflation rôdait autour des économies européennes, et l'explosion des prix des matières premières a fini par lui donner raison. Certes, nous la subissons, mais l'euro constitue un excellent instrument pour la combattre.
M. Trichet a aussi refusé de calquer sa politique sur celle des États-Unis. Il n'a pas suivi les baisses, les hausses, puis les baisses de nouveau des taux d'intérêt américains, parce que les économies de l'Europe et de l'Amérique n'évoluent pas de la même manière. Pour tenir bon, il fallait du courage car, quand les taux d'intérêt baissent aux États-Unis, les capitaux se portent sur une monnaie qui offre de meilleurs rendements, ce qui se traduit par le renforcement de cette monnaie. C'est ainsi que l'euro, coté en 1999 à 1,17 dollar, puis à 0,80 dollar en 2002, est remonté à 1,55 dollar aujourd'hui. À n'en pas douter, l'euro fort pose un problème à nos exportateurs : il crée par exemple une concurrence déloyale entre Boeing et Airbus. Mais nous devons avoir le réalisme de reconnaître que cet inconvénient pèse moins que les avantages dont nous bénéficions à l'importation.
Détracteurs, puis laudateurs.
M. Trichet constate aujourd'hui que l'inflation progresse en Europe et aux États-Unis. Pour sortir de la crise financière, les Américains ont décidé de négliger la hausse des prix. Pas la BCE, qui maintient un taux de base relativement élevé (3 %, contre 2 % aux États-Unis). Il n'empêche que la croissance en Europe a été bonne au dernier trimestre de l'année dernière et au premier trimestre de cette année. C'est ce qui a conduit les détracteurs de M. Trichet à se transformer en laudateurs.
Bien entendu, la bataille n'est pas terminée. La BCE redoute qu'à une inflation qui résiste s'ajoute un ralentissement de la croissance au deuxième trimestre 2008. Il demeure qu'avec la force de l'euro se conjugue une politique des taux d'intérêt qui, jusqu'à présent, a été bénéfique. Cette situation peut se dégrader mais, en attendant, il faut rendre à M. Trichet ce qui lui appartient, même s'il se garde de tout triomphalisme et s'inquiète des mois à venir.
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