MICHEL BOUQUET parle de la pièce comme d'une « bouffonnerie énigmatique ». Il a déjà joué Argan. Il y a vingt ans. Aujourd'hui, à 82 ans, il possède la transparence des âmes libres. Crâne tondu, silhouette grêle, visage émacié, regard bon, pas vif, il donne au personnage du Malade imaginaire quelque chose de fascinant qu'il va chercher, sans appuyer, du côté de Blaise Pascal et de Eugène Ionesco. L'ultime pièce de Molière, qui mourut en la jouant – et en faisant rire son public – est d'une simplicité confondante. Une histoire de médecins, de peur, de mariage, une histoire d'homme qui largue les amarres, se croit malade, fait régner la terreur sur son entourage… ne voit pas qui le trompe.
Une comédie que Molière a écrite d'une encre claire et l'on rit toujours, mais qui est d'essence tragique. Il y met ce qu'il aime. La jeunesse est belle, veut vivre, la jeunesse est loyale (Julie de Bona, Sylvain Machac, doux amoureux) ; l'épouse est traîtresse (belle Hélène Seuzaret), l'enfant est délicieuse (Clémence Faure), le corps médical est terrifiant comme les fournisseurs de pharmacopées (Christian Bouillette, Pierre Forest, Pierre Val) ou autres porteurs de clystères, et mettez le notaire de ce côté (Sébastien Rognoni, Patrick Payet, Olivier Claverie).
Une maîtresse femme domine ce monde, la pièce. C'est Toinette. Une répondeuse, une insolente. La figure maternelle de la compassion et celle, lucide, des décisions vitales. Elle veut qu'Argan se réveille et que les jeunes soient heureux. Juliette Carré est formidable. Autre personnage positif, celui de Béralde, le frère qui voudrait ramener la raison dans la maison. Pierre-Alain Chapuis est excellent, tout en fermeté et finesse.
Michel Bouquet, dans la vaste robe de chambre à ramages ou dans ses vêtements blancs qui lui donnent l'air d'un bébé sans défense (superbes costumes de Pascale Bordet), subjugue. Il est un homme qui s'égare, paniqué par la proximité du néant. Il s'agite, il s'énerve. Il a peur. N'est-ce pas un grand sentiment humain ? Le silence éternel des espaces infinis… ce peut être un placard à pharmacie qui ne vous console de rien… et lorsqu'à la fin vient la cérémonie qui fait de lui un médecin – écourtée dans cette mise en scène et d'autant plus noire - on ne peut s'interdire une compassion profonde pour Argan tel que l'incarne Michel Bouquet.
Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à 20 h du mardi au samedi, en matinée le samedi et le dimanche. Durée : 2 h (01.42.08.00.32).
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