L E stress est un ensemble de réactions physiologiques permettant de s'adapter devant une situation potentiellement agressive. Il est commun à toutes les espèces, indispensable à la survie. Mais aujourd'hui, les situations stressantes sont de plus en plus fréquentes et ne conduisent pas à une libération de l'énergie accumulée.
On a récemment quantifié, à l'aide de questionnaires, le stress psychologique tel que le ressent chaque individu et l'on est capable de rechercher des relations entre un score de stress et la survenue de pathologies cardio-vasculaires, lombaires ou dermatologiques, et même bientôt d'en estimer le coût social.
Parmi les différentes causes de stress, le travail peut parfois occuper une position centrale. Mais, s'il comporte toujours une dimension de peine et de souffrance, il joue un rôle dans la construction de l'identité personnelle, dans l'accomplissement de soi, dans le maintien d'un équilibre psychique, somatique et social.
La plupart des sujets en bonne santé espèrent avoir l'occasion, grâce au travail, d'accéder à une reconnaissance de leur valeur.
Quand le choix du métier est conforme aux besoins du sujet et que ses modalités d'exercice permettent le libre jeu du fonctionnement mental et corporel, le travail occupe une place importante dans l'équilibre psychique et dans la dynamique identitaire. La reconnaissance de la qualité de travail accompli s'inscrit pour chacun en termes de gains dans le registre de l'identité. C'est pourquoi la fatigue, les difficultés, les doutes s'évanouissent devant la contribution à l'œuvre collective et la place que l'on a pu se construire parmi les autres.
Cependant, la rencontre entre l'organisation psychique individuelle et l'organisation du travail n'est pas une image. Les rapports de travail ont une logique, des modes de fonctionnement précis, une dureté qui exigent une « disciplinarisation » des corps. Les nouvelles formes d'organisation du travail à flux tendu, sous contrainte de temps, avec réduction d'effectifs, réduisent de manière importante les marges de manœuvre personnelles du sujet les possibilités d'anticipation et de prévision du travail, la notion du travail bien fait. Faire obstacle aux activités fantasmatiques, corporelles et sensorielles du sujet, par une organisation du travail plus attachée à l'intensification du rythme qu'à l'économie psychosomatique, altère profondément l'identité et la santé des corps.
Décompensations
Si le travail peut être un puissant opérateur de construction de la santé, il comporte donc une dimension de souffrance et offre un champ propre à la pathologie. Les tableaux cliniques mineurs, infraliminaires, sont rarement étudiés : formes larvées d'anxiété, chronicisation du sentiment d'ennui, de lassitude, signes avant-coureurs des décompensations à venir. La pérennisation de cette souffrance latente peut déboucher sur des décompensations somatiques ou psychiques, dont certaines peuvent être gravissimes.
L'augmentation de la consommation de produits psychotropes (alcool, anxiolytiques, antidépresseurs), les troubles musculo-squelettiques ou pathologies d'hypersollicitation, le syndrome d'épuisement professionnel ou burn out, le karôschi (mort subite par hémorragie cérébrale), la névrose traumatique dans les suites des accidents du travail ou dans les situations de harcèlement professionnel, les passages à l'acte violent, les suicides sur les lieux de travail ne sont plus des phénomènes mineurs pour les cliniciens de terrain.
Table ronde organisée dans le cadre de la 1re Rencontre parlementaire « Santé-Société-Entreprise », animée par le Dr Alain Marié (directeur médical du Groupe Quotidien Santé) et à laquelle participaient les Prs Patrice Boyer et Louis Dubertret, ainsi que les Drs François Duforez, Jean-Pierre Fauvel et Marie Pezé.
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