Les personnels pénitentiaires et hospitaliers le savent et le redoutent : les transferts de détenus vers l'hôpital sont à risque. Et au nom de l'accès aux soins pour tous, il n'est pas possible de changer la procédure. « L'opération commando du 4 avril pour libérer un détenu à l'hôpital de Besançon », comme l'a décrite la presse, en témoigne.
Ce jour-là, dès la première heure de la matinée à la maison d'arrêt de la ville, A. F., 23 ans, se blesse en salle de sports. En tombant, un haltère lui heurte la main. Le surveillant appelle l'infirmière et des codétenus transportent le blessé à l'infirmerie. Après examen, auquel assiste un dermatologue avant sa consultation, on soupçonne une luxation d'un doigt, et, semble-t-il, une fracture du poignet. Une radiographie se révèle indispensable, ce qui nécessite un transfert en milieu hospitalier.
La décision est impérative, commente en substance le Dr J.-F. T, généraliste, ex-médecin chef de la prison aujourd'hui vacataire. Lui-même a été poursuivi, sans succès, par la famille d'un prisonnier, pour n'avoir pas ordonné une hospitalisation à la suite d'un traumatisme ophtalmologique. De son côté, l'Observatoire international des prisons (OIP) ne manque jamais d'épingler les établissements pénitentiaires en matière d'accès aux soins, ou à propos des conditions d'admission à l'hôpital de patients qui, naguère, avaient les pieds et les mains entravés.
Le recours à l'hôpital, qui est désormais chargé des soins en prison, fait partie d'une pratique quotidienne. Il appartient à la régulation du centre hospitalier concerné de choisir pour le transport du blessé un véhicule du SAMU ou des pompiers, voire une ambulance. Dans le cas de A. F., c'est l'ambulance qui est retenue, avec le concours, sur ordre de l'autorité pénitentiaire, de 4 policiers. La procédure est des plus banales, puisqu'un ou deux détenus, sur les 300 de la maison d'arrêt bisontine, sont transportés chaque jour au CHRU.
Pour le Dr J.-F. T., rompu à la relation prisonnier-soignant, il existe deux moyens, impossibles à éliminer, de tenter de faire la belle : se blesser volontairement - et si le médecin refuse un examen à l'hôpital, il peut être poursuivi par la famille - ou simuler un état psychiatrique en vue d'un placement d'office en hôpital spécialisé (HP). Car, un HP n'est pas équipé pour garder un détenu dangereux, prétendument suicidant ou délirant.
A. F., il n'y a aucun doute là-dessus, avait tout préparé : sa blessure, son transfert à l'hôpital et la complicité de 3 ou 4 individus. Dix minutes après son départ de la prison, le temps de traverser un couloir de 15 m entouré de deux policiers, il se retrouve dans la salle d'attente des urgences traumatologiques. Brusquement, surgit un de ses complices, cagoulé et armé, vêtu de noir, épaulé par un second, tout aussi inquiétant, arrivé, lui, par une entrée de service. En quelques secondes, ils neutralisent les policiers en les aspergeant de gaz lacrymogène et s'enfuient tous les trois, gazant au passage tout ce qui bouge. Une fois qu'ils sont dehors, les forces de l'ordre les rattrapent, une dizaine de coups de feu sont échangés. L'un des malfrats, blessé en tombant, est ceinturé.
Cellule d'urgence médico-psychologique
Dans le même temps, le médecin régulateur du SAMU, prévenu par un système d'alerte, demande le regroupement de la cellule d'urgence médico-psychologique, composée de 6 personnes. « Très vite, 5 patients et 25 membres du personnel, dont l'interne de garde qui a vu le détenu, choqués par l'opération commando, sont assistés », dit au « Quotidien » Laurent Renaut, directeur adjoint chargé de l'équipement médical, qui a géré les premières heures de « crise ». « Et heureusement qu'il n' y avait pas de surveillants armés à l'accueil, ça aurait été un carnage ! », s'exclame Laurent Renaut, pour qui l'agression du 4 avril « est parfaitement imparable ».
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