ON OPPOSE CLASSIQUEMENT la démence de type Alzheimer et les démences vasculaires. Les relations entre hypertension artérielle (HTA) et troubles cognitifs ont longtemps été l'objet de controverses. Les données épidémiologiques montrent toutefois qu'il existe un chevauchement entre les lésions des deux maladies.
Les études transversales ont donné des résultats variables. En revanche, les études longitudinales comme l'étude de Framingham ou la Honolulu-Asia Aging Study ont mis en évidence un lien entre hypertension artérielle et troubles cognitifs, en particulier pour l'HTA à l'âge moyen de la vie. Les données de la cohorte d'Uppsala, en Suède confirment l'existence d'une corrélation négative entre les fonctions cognitives à l'âge de 70 ans et la pression artérielle à 50 ans. Les cohortes EVA (Epidemiology of Vascular Ageing, n = 1 373) et Aric (Atherosclerosis RIsk in Communities, n = 10 963) ont également observé ce lien entre hypertension artérielle et déclin cognitif.
Les capacités cognitives des hypertendus sont toutefois très variables pour un même niveau tensionnel, certains facteurs comme le diabète, l'hyperinsulinisme ou l'hypercholestérolémie exerçant aussi un effet délétère.
L'hypertension artérielle expose par ailleurs au risque de démence, toutes causes confondues. Une relation entre pression artérielle et maladie d'Alzheimer a en effet été isolée. Des travaux ont montré que les chiffres tensionnels à l'âge de 70 et 85 ans sont plus élevés chez les sujets qui vont développer une démence. En revanche, le niveau tensionnel dans les années qui précédent immédiatement la démence devient identique, voire inférieur à celui de la population témoin. Cela s'expliquerait par une altération de l'état général, une dénutrition, un état grabataire ou une insuffisance cardiaque. Une autre explication est la démence elle-même, en raison d'une perte neuronale des centres régulateurs de la pression artérielle.
Enfin, certains travaux suggèrent le rôle délétère de la pression pulsée et de la rigidité artérielle, l'augmentation du risque de maladie d'Alzheimer étant associée à une pression artérielle systolique élevée et une pression diastolique basse.
Les mécanismes par lesquels l'hypertension artérielle induit une altération des fonctions cognitives sont mal connus. Les hypothèses portent sur les modifications du débit sanguin et du métabolisme cérébral. D'autres mécanismes sont également évoqués, par exemple des troubles de la microcirculation cérébrale, une dysfonction endothéliale ou la production en excès de radicaux libres à l'origine d'une apoptose au niveau de l'hippocampe et du cortex cérébral. Une dysfonction de la barrière hémato-encéphalique ou des épisodes d'hypotension, hypoperfusion et hypoxie pourraient accélérer les phénomènes lésionnels cérébraux.
Les premiers études qui ont évalué les effets des antihypertenseurs, diurétiques et/ou bêtabloquants, n'ont pas mis en évidence de bénéfice sur les fonctions cognitives. C'est le cas de l'étude du British Medical Research Council, dans laquelle l'évaluation cognitive a toutefois été relativement sommaire, et dans un sous-groupe de l'étude Systolic Hypertension in the Elderly Program (Shep), dans lequel le nombre de perdus de vue a été important.
Une diminution de moitié de l'incidence des démences.
Les essais les plus récents qui ont porté sur de nouvelles classes d'antihypertenseurs, antagonistes calciques ou inhibiteurs de l'enzyme de conversion ont mis en évidence un effet préventif du traitement sur l'apparition des démences. C'est par exemple le cas du projet Vascular Dementia, inclus dans l'étude Syst-Eur, dans lequel l'incidence des démences a diminué de moitié sous traitement actif, passant de 7,7 à 3,8 pour 1 000 années-patients. L'incidence des maladies d'Alzheimer a été diminuée de façon plus marquée que celle des démences vasculaires ou mixtes.
Les résultats de l'étude Syst-Eur 2, dans laquelle les patients du groupe placebo ont été mis sous traitement antihypertenseur actif, retrouvent une différence de pression artérielle entre les deux groupes après un suivi total de quatre ans. Là encore, cette différence tensionnelle s'est accompagnée d'une réduction très significative de l'incidence des démences, de 7,4 à 3,3 cas pour 1 000 années-patients (soit une réduction de 55 %, p < 0,001). Le bénéfice a porté sur les démences de type Alzheimer et sur les démences vasculaires.
Ainsi, globalement, selon ces travaux, le traitement de 1 000 patients pendant cinq ans permet de prévenir 20 cas de démence.
Dans les étude Progress et Hope, il a été montré que le traitement antihypertenseur par inhibiteur de l'enzyme de conversion induit une réduction significative du déclin cognitif sévère et du risque de démence. Dans l'étude Scope, dans laquelle les patients ont été traités par un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II, aucune différence significative des fonctions cognitives ou du développement de la démence n'a été observée, mais ce résultat semble s'expliquer par la méthodologie employée. En conclusion, les résultats prometteurs des études Syst-Eur, Progress et Hope indiquent pour la première fois la possibilité d'un traitement préventif des démences toutes étiologies confondues (maladie d'Alzheimer et démences vasculaires) et doivent être confirmés par d'autres essais.
D'après un entretien avec le Dr Olivier Hanon, service de gérontologie, hôpital Broca, Paris.
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