VIH

Le traitement préventif est-il une solution ?

Publié le 25/03/2011
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La dernière édition de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) qui se tenait début Mars à Boston, a fait la part belle cette année à la prévention. Avec notamment plusieurs communications dédiées à la prophylaxie pré-exposition ou PreP. Un concept, qui s’il suscite de nombreuses questions, laisse aussi entrevoir de nouveaux moyens de lutte contre la transmission du virus

Crédit photo : ©PHANIE

?Jusqu’où ira-t-on dans le traitement précoce en matière de VIH ? Alors que depuis peu, les seuils de CD4 dictant la mise en route d’un traitement anti-rétroviral ont été revus à la hausse, plusieurs équipes envisagent aujourd’hui de traiter encore plus en amont, en préventif, certains sujets séronégatifs à haut risque de contamination. Encore inimaginable il y a quelques années, ce concept de prophylaxie pré-exposition ou PreP, est désormais considéré très sérieusement, notamment depuis la publication fin 2010 des premiers résultats de l’étude IPrEx*. Les données à plus long terme de cette étude, dévoilées à Boston, enfoncent le clou et viennent confirmer la faisabilité et la tolérance de la méthode.

Le risque de contamination diminué de près de moitié

Menée sous l'égide du NIH, au Pérou, au Brésil, en Equateur, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et en Thaïlande, l’étude iPrEx a inclus entre juillet 2007 et décembre 2009, 2?499 homosexuels masculins et transsexuels. La moitié a bénéficié d’un traitement quotidien par Truvada® (emtricitabine / tenofovir) tandis que l’autre moitié était sous placebo. À l’issue de la première partie de l’étude, après un suivi médian de 1,2 année,

36 personnes ont été infectées par le virus du sida dans le groupe Truvada® contre 64 dans le groupe contrôle soit une diminution de 44 % du risque d'infection par VIH pour les patients sous chimioprophylaxie. Côté tolérance des nausées se dissipant au bout de quelques semaines ont été rapportées ainsi que « de rares cas d’insuffisances rénales réversibles à l’arrêt du traitement ». Ces résultats encourageants ont été confirmés à plus long terme, par de nouvelles données rapportées par Robert Grand, principal investigateur d’IPrEx. Après prolongation de l’étude pendant 4 mois, le taux d'efficacité était de de 42 %, semblable à celui de la première analyse.

Le rôle fondamental de l’adhérence au traitement

Fait notable, la majorité des contaminations observées dans le groupe Truvada® l’ont été chez des sujets des sujets ayant des taux de médicaments indétectables dans le sang, probablement en raison d’une mauvaise observance, ce qui souligne le rôle fondamental de l’adhérence au traitement. Sur le plan de la tolérance, les données restent globalement rassurantes, même si une sous-analyse portant sur les patients américains a mis en évidence une légère diminution de la DMO dans le groupe Truvada®. Autres points positifs?: au cours de l’essai, il n’a pas été observé de sélection de résistance parmi les sujets contaminés et aucune désinhibition des comportements sexuels n’a été retrouvée. Au contraire, les hommes de cet essai ont réduit leur exposition au risque sexuel par rapport à la période précédant leur entrée dans l’étude.

Néanmoins,?la PreP suscite encore?de nombreuses interrogations : quelle peut être l’efficacité à long terme de ces stratégies ? Quelle sera l’adhérence au-delà de la fin de l’étude ? Peut-il y avoir apparition ultérieure de résistances du virus aux antiviraux ? Quel impact cette stratégie pourrait-elle avoir sur les comportements sexuels dans la « vraie vie » ? Autant de questions qui devront attendre la fin du suivi en ouvert d’IPrex et les enseignements d’autres essais pour trouver réponse.

Ainsi, si les résultats d’ IPrEx « sont la première preuve du concept que les antirétroviraux par voie orale peuvent être envisagés comme un outil additionnel de prévention destiné à réduire le risque d’infection chez les homosexuels, un seul essai ne peut suffire à recommander dès à présent d’ajouter la PreP à l’arsenal préventif », tempère l’ANRS. « Il s’agit encore de recherche et, en aucun cas, le traitement préventif ne doit être vu comme une alternative au préservatif », insiste le Pr Jean-Michel Molina (hôpital Saint- Louis, Paris). Reste aussi à définir avec précision les populations qui pourraient bénéficier de ce type de prise en charge. Des études sont en cours chez les toxicomanes, auprès de couples sérodiscordants, etc., pour tenter d’évaluer l’intérêt de la PreP dans ces populations.

*N Engl J Med. 2010 Dec 30;363(27) : 2587-99.
Bénédicte Gatin

Source : Le Généraliste: 2558