Faut-il parler de tournant majeur ? En tout état de cause, la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH répond désormais à une règle simple : tous les patients doivent être traités. Le taux de CD4 n’est donc plus le marqueur biologique qui ouvre la voie aux traitements. Comme le signale le Pr Philippe Morlat, le président du groupe d’experts ; « il aura donc fallu trente ans pour qu’une équation somme toute conventionnelle en infectiologie un agent infectieux pathogène, un traitement s’applique à toutes les personnes vivant avec le VIH en France. »
40 000 nouveaux patients
La France devient le premier pays européen à proposer ces recommandations déjà mises en œuvre aux Etats-Unis. Comment expliquer la prescription précoce des traitements ? Les experts avancent un bénéfice individuel mais aussi collectif observé avec les traitements limitant la transmission du VIH (TasP). Reste que l’objectif est ambitieux. On estime à près de 150 000 le nombre de patients séropositifs. Plus de 110 000 seraient pris en charge. Avec l’élargissement des critères, 40 000 patients seraient désormais sous traitement. Lors du premier traitement, le choix de médicaments est limité. Il doit être précédé par un test génotypique de résistance. La trithérapie doit comporter préférentiellement deux inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse et un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. (Cf. tableau).
Pour la première fois, les considérations économiques sont évoquées dans ce type de rapport. L’augmentation de patients sous traitement devrait entraîner mécaniquement une surcharge financière pour la collectivité nationale. D’où l’encouragement à recourir aux génériques. À ce jour, les antirétroviraux génériques qui bénéficient d’une AMM sont la lamivudine, la zidovudine, la combinaison lamivudine/zidovudine et la névirapine à libération immédiate. Selon le rapport, les génériques d’efavirenz seraient disponibles au cours de l’année 2014. Les experts dans ce cadre n’hésitent pas à « recommander le remplacement d’une forme combinée fixe par les génériques de ses composants dans un objectif de réduction de coût possible ». Cette sensibilisation se traduit également par la réduction de fréquence des examens systématiques.
Le dépistage simplifié
Ce pragmatisme se décline en dehors du soin en matière de dépistage. Les experts prennent acte de l’échec d’un dépistage pour tous promu dans le plan VIH/Sida IST 2010-2014. Les généralistes se sont peu impliqués dans le dépistage. D’autant que le Collège national des généralistes enseignants ne les a guère incités à proposer systématiquement la recherche d’une contamination. D’où l’envoi d’un message plus simple avec la prescription d’un test au cours des situations cliniques classiques. Dans les autres cas, il sera proposé seulement « lorsque l’occasion se présente ». On est loin des injonctions habituelles.
Enfin, dans le champ de la prévention, l’approche est globale et repose sur les retours d’expériences de terrain. Depuis le préservatif jusqu’aux traitements comme prévention, chaque méthode doit être proposée selon le moment ou l’intérêt clinique.
Le temps n’est plus aux guerres dogmatiques entre experts et associations de patients qui ont accueilli favorablement ce rapport. On a bien changé d’époque.
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