Par le Pr PAUL CZERNICHOW*
L'HORMONE de croissance (GH) a d'abord été utilisée chez des enfants atteints de déficit en GH. L'arrivée des hormones recombinantes a permis de mettre à disposition des cliniciens des quantités plus importantes de GH et d'explorer d'autres pathologies où le retard de croissance était important : syndrome de Turner, enfants de petite taille atteints d'insuffisance rénale chronique, mais aussi déficit statural consécutif à une petite taille de naissance et petite taille idiopathique.
Parmi les 3 à 10 % d'enfants naissant avec un retard de croissance staturale ou pondérale, la majorité va rattraper et retrouver, dès l'âge de 2 ans, une taille normale. Cependant, ce n'est pas le cas de 10 % d'entre eux qui vont terminer leur croissance avec un retard statural. Des études menées dans la ville d'Haguenau par le Dr C. Levy-Marchal (INSERM U690) ont montré que de jeunes adultes nés de petite taille avaient une taille inférieure à celle des adultes nés pendant la même période avec une taille et un poids normaux. Le déficit statural était proche d'une DS (environ 6 cm) et 10 % d'entre eux se situaient au-dessous de la 2e déviation standard (définition du retard de croissance et de la petite taille). Plusieurs études menées essentiellement en Europe et particulièrement en France ont montré que la GH administrée à des enfants d'âge prépubertaire induisait une accélération de croissance, normalisait la taille et permettait d'atteindre à l'âge adulte une taille proche de la taille cible (taille prédite par les tailles parentales). Les doses de GH nécessaires pour atteindre cet objectif font encore l'objet de controverse. Une première étude a montré que deux groupes d'enfants traités avec des doses de 33 et de 66 µg de GH atteignaient en fin de croissance des tailles identiques (bien que la dose la plus forte permît d'atteindre une taille normale plus rapidement). En fait, il semble que, chez des enfants dont le retard de croissance est plus important, la dose la plus élevée soit nécessaire. Dans la fiche thérapeutique, il est indiqué que les enfants nés avec un retard de croissance peuvent être traités par GH après l'âge de 3 ans et si leur taille est inférieure à – 2,5 DS. La dose recommandée est de 33 µg/kg/jour, mais il est aussi indiqué que des doses plus importantes ont pu être utilisées.
Les études cliniques ont, bien sûr, comporté une surveillance attentive des effets secondaires. Les résultats sont très rassurants. On sait en particulier que naître avec un retard de croissance expose à un risque accru de résistance à l'insuline et de syndrome métabolique. On pouvait donc craindre que l'administration de GH qui diminue la sensibilité à l'insuline puisse altérer la glycémie de ces enfants. Bien qu'aucune intolérance n'ait été retrouvée pendant le traitement et plusieurs années après la fin de l'administration de GH, une surveillance glycémique à court et à long termes reste recommandée. Par ailleurs, il faut également surveiller les concentrations plasmatiques d'IGF-1 qui augmente sous l'effet de la GH ; une élévation trop importante d'IGF-1 doit faire discuter une diminution des doses de GH. L'hormone de croissance a obtenu une AMM européenne dans le traitement du déficit statural des enfants nés de petite taille.
La petite taille idiopathique.
Il s'agit d'un groupe d'enfants extrêmement hétérogène. Ces enfants sont très petits, leurs parents ont une taille normale et, surtout, ils n'atteignent pas, à l'âge adulte, leur taille cible. Par ailleurs, leur taux plasmatique d'IGF-1 est particulièrement bas, ce qui suggère que certains d'entre eux ont une anomalie du système de contrôle endocrinien de la croissance. On pense actuellement que certains de ces enfants sont tout a fait normaux, mais se situent à l'extrême de la distribution des tailles pour notre population, tandis que d'autres ont une véritable pathologie qui reste à définir.
Certaines études ont montré que l'administration de GH pendant plusieurs années améliorait la taille finale de ces enfants. L'efficacité et la sécurité (absence d'effets secondaires) est comparable à ce qui est observé dans d'autres indications. Les autorités compétentes aux Etats-Unis (FDA) ont accordé une autorisation de traitement à le GH dans cette indication. Il n'en est pas de même en Europe où une AMM n'a pas été encore obtenue dans cette indication. Il n'y a pas non plus de consensus sur la stratégie la plus efficace pour traiter ces enfants. Le traitement sera probablement réservé aux formes les plus sévères de déficit statural et il sera commencé vers l'âge de 5 ans. Etant donnée l'hétérogénéité de cette population, on doit s'attendre à une grande variabilité dans la réponse. Il faudra être vigilant sur les critères d'efficacité et arrêter le traitement si les résultats ne semblent pas satisfaisants. Les progrès de la biologie moléculaire nous feront probablement mieux comprendre les mécanismes responsables du retard de croissance, du moins chez certains malades et mieux préciser les indications de traitement par GH.
* Hôpital Necker - enfants malades, Paris
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