L E Pr Kouchner dans ses uvres, ou la démocratie sanitaire expliquée aux médias en deux douzaines de tableaux. C'était la deuxième fois que le ministre délégué à la Santé s'adonnait à l'exercice, après le point de presse qu'il avait fait en mai (« le Quotidien » du 16).
Une leçon de choses ô combien délicate. « Avec un caractère tantôt objectif, tantôt subjectif, des questions de fond, d'éthique et de méthode, et une très grande diversité de situations, la pédagogie du risque se fait attendre », s'est plaint Bernard Kouchner en commençant. Le rapport que lui a confié à ce sujet l'Organisation mondiale de la santé « avance à la lenteur d'un escargot ».
Sur chacun des sujets abordés « à froid », le ministre a exposé les tout derniers rapports, études et circulaires moulinés par ses services et par son équipe de l'Avenue de Ségur, quitte à ce que se fassent désirer les futurs éléments d'investigation sanitaire.
Ainsi, pour les risques liés à l'environnement. Et le premier à être évoqué, le dossier de l'école Franklin-Roosevelt, de Vincennes (Val-de-Marne), édifiée sur le site de l'ancienne usine chimique Kodak, avec les cas de cancers rares décelés parmi des élèves, anciens ou actuels, de l'établissement. Seule l'enquête épidémiologique portant sur près de 1 000 enfants qui ont fréquenté l'école permettra d'en savoir plus, a admis Bernard Kouchner. D'ici là, force est de prendre en compte les inquiétudes des parents d'élèves. Sans perdre de vue que pas moins de 300 000 sites à travers la France ont eu leurs sols contaminés par des pollutions industrielles. « Croiser 300 000 fois les données épidémiologiques avec les études de toxicité, est-ce la façon juste et transparente de répondre à l'anxiété de nos concitoyens ? », s'est demandé le ministre.
Risques environnementaux encore, avec les rejets radioactifs des établissements de santé. La direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS) vient de publier une circulaire pour les gérer en prenant en compte les risques infectieux spécifiques liés à certains déchets contaminés, en respectant des valeurs guides et en installant des portiques de contrôle de radioactivité pour les services importants de médecine nucléaire.
Pour la surveillance épidémiologique mise en uvre dans le Nord-Cotentin, concernant les rejets de l'usine nucléaire de retraitement de la Hague, si l'étude que vient de remettre le Pr Alfred Spira conclut que le nombre total de victimes de leucémies dans ce département n'excède pas la prévalence nationale, la période de référence (1978-1998) est jugée trop courte pour dissiper toute inquiétude. Le combat du système de surveillance continue.
Tout comme pour le recensement des sites pollués par le plomb, à l'origine du saturnisme infantile. Bernard Kouchner fait confiance au « tempérament » de la secrétaire d'Etat au Logement, Marie-Noëlle Lienemann, pour que ce travail qu'il avait fait commencer dès avant son départ pour les Balkans soit enfin mené à son terme.
Pour la gestion du risque lié aux légionnelles encore, plusieurs incertitudes subsistent et de nouvelles instructions seront diffusées prochainement par le ministère, destinées en particulier aux établissements de santé.
Légionellose et maladies nosocomiales
En ce qui concerne les deux décès survenus la semaine dernière à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), pour lesquels la présence de légionnelles a été détectée, Bernard Kouchner s'est montré rassurant : « Le premier malade est décédé en aplasie après une chimiothérapie, d'un choc infectieux avec septicémie et son décès n'est pas imputable à la légionellose, a-t-il précisé . Le second est, certes, décédé d'une pneumopathie à légionnelles quatre jours après son admission. Mais une étude est en cours afin de déterminer si cette légionellose a été contractée à l'hôpital ou au domicile du patient, sachant qu'un cas de légionellose chez un voisin du même immeuble a été déclaré en avril dernier. »
Et Bernard Kouchner de rappeler que pas moins de 20 000 patients ont été hospitalisés à l'HEGP depuis son ouverture, au début de janvier.
Le tour d'horizon ministériel a abordé les dossiers DHEA (lire page 12) ; maladies à déclaration obligatoire (avec un nouveau décret fixant différents niveaux d'anonymisation des patients) ; phénylpropanolamine (qui devrait être tout prochainement soumis à prescription médicale obligatoire et non renouvelable eu égard au risque d'accident vasculaire cérébral hémorragique) ; programme national de surveillance des infections nosocomiales (l'enquête nationale de prévalence effectuée dans les hôpitaux et les cliniques sera disponible au début de 2002).
Evidemment commentés, le VIH et le SIDA, l'ESB et la maladie de Creutzfeldt-Jakob, l'hépatite C et la sécurité des produits sanguins. Sans oublier, saison oblige, les maladies infectieuses liées aux activités de loisirs (maladie de Lyme, rage, leptospirose, leishmaniose, etc.).
Bernard Kouchner n'a pas manqué, en concluant, de dénoncer le risque mortifère entre tous de la route des vacances, rageant contre « la complaisance de nos concitoyens » à son sujet. Un peu plus tôt, il vilipendait « la fièvre du scoop » qui s'empare si facilement de tant de médias lorsqu'une rumeur signale un possible nvMCJ. La sécurité sanitaire, soupire-t-il, s'accommode mal de l'une comme de l'autre. Le train de la démocratie sanitaire est parti, mais il siffle à tort et à travers.
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