Le torticolis musculaire congénital est cette attitude anormale permanente dont l'origine est la rétraction unilatérale du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Le terme de congénital est celui utilisé dans la littérature francophone, sans préjuger en rien des implications étiologiques. La littérature anglo-saxonne lui préfère le qualificatif « infantile » pour éviter toute connotation d'un quelconque caractère génétique.
Le torticolis postural est une variante allégée du précédent, mais ne constitue qu'un diagnostic d'élimination rétrospectif.
Quelques données anatomo-mécaniques
Du point de vue de la biomécanique du rachis cervical, la rotation implique de façon prépondérante le rachis cervical supérieur (à l'étage C1-C2 prennent place 50 % de l'amplitude rotatoire) ; l'inclinaison s'effectue sur l'ensemble du rachis cervical. Le torticolis inclut une double composante de rotation et d'inclinaison.
La rétraction ou encore la brièveté unilatérale du muscle sterno-cléido-mastoïdien est déterminante dans cette déviation.
Il s'agit d'un muscle large, puissant, cheminant de la partie antérieure et supérieure du squelette thoracique à la base du crâne. Anatomiquement, ce muscle comporte deux chefs, chacun subdivisé en deux faisceaux ; le chef antérieur ou sternal intègre un faisceau occipital et un faisceau mastoïdien ; le chef latéral ou claviculaire intègre également un faisceau occipital ou postérieur et un faisceau mastoïdien ; ce caractère quadrifasciculaire a pu faire qualifier ce muscle de « quadriceps de la tête ».
Sa contracture ou sa rétraction induit une inclinaison cervico-céphalique du côté du SCM lésé et une rotation (par exemple du menton) du côté opposé.
Dans le torticolis musculaire congénital, l'étiologie de la rétraction semble rattachable à une ischémie musculaire locale, s'accompagnant ou non d'un phénomène transitoire d'augmentation localisée de volume (tuméfaction).
La variabilité de présentation clinique
Le tableau clinique est variable, principalement en raison du stade où se trouve détectée l'anomalie.
Chez le nourrisson, dès les premières semaines de vie, le diagnostic est volontiers maternel. L'examen retrouve une limitation de la rotation associée ou non à une tuméfaction sur le tiers inférieur du muscle rétracté. Les conséquences de la rétraction sont une plagiocéphalie et une pseudo-surélévation de l'épaule opposée. Le reste de l'examen clinique recherche une asymétrie globale du tronc, une asymétrie d'adduction des hanches, des anomalies positionnelles des pieds, tous éléments en faveur d'une malposition anténatale.
Chez l'enfant plus grand, l'attitude précédente est plus fixée ; on constate une différence de hauteur des oreilles (plus notable de dos), une asymétrie de hauteur des épaules, voire quelques fois une déviation scoliotique.
Une évolution variable
Huit ou neuf fois sur dix, le torticolis évolue spontanément vers la résolution. Néanmoins, compte tenu du caractère non exceptionnel de cette anomalie, il est préférable de savoir détecter les formes à risque d'évolution moins favorable. Cette anomalie est retrouvée, en moyenne, chez 1 % des nourrissons, parmi lesquels seule une minorité présente la véritable rétraction du sterno-cléido-mastoïdien accompagnée ou non de l'indice de sévérité évolutive représenté par la tuméfaction cervicale. Un tiers des enfants présente une asymétrie d'étirabilité du sterno-cléido-mastoïdien : un tiers une rétraction unilatérale sans tuméfaction, un tiers une rétraction avec tuméfaction. Celle-ci apparaît souvent de façon différée entre la deuxième et la quatrième semaine de vie.
C'est dans ce groupe que les chances de résolution spontanée sont les plus faibles. Destinées, au départ, à mieux cerner l'histoire naturelle évolutive, les recherches épidémiologiques ont apporté en outre la confirmation d'associations pathologiques à la déviation cervico-céphalique : hanches à risque dysplasique, asymétries craniofaciales, différence de niveau des oreilles, nuque asymétrique (par amyotrophie du chef supérieur du trapèze).
Diagnostic différentiel
Des malpositions cervico-céphaliques peuvent résulter de différents contextes pathologiques, réversibles ou non, transitoires ou prolongés, congénitaux ou acquis.
Le contexte congénital fait évoquer avant toutes les autres anomalies de cette région de l'appareil locomoteur non musculaires notamment des anomalies osseuses diverses : malformations de la charnière, dysplasies variées des deux premières vertèbres, blocs vertébraux variés, syndrome de Klippel-Feil... Le diagnostic est en général posé chez l'enfant plus grand par une exploration radiologique dont on peut en général se passer lorsque l'on pose le diagnostic de torticolis musculaire congénital chez le tout petit ou chez un enfant suivi pratiquement depuis ses premières semaines de vie.
Chez le nourrisson, lorsque l'origine musculaire de la malposition est la seule à pouvoir être mise en cause, le seul diagnostic différentiel est un torticolis postural, ne comportant pas de fibrose rétractile proprement dite du muscle, ni de retentissement morphologique squelettique crânio-facial, et s'intégrant dans un ensemble asymétrique squelettique non limité à la seule région cervico-céphalique (tronc, bassin, pied...).
Chez l'enfant plus grand, plusieurs diagnostics différentiels peuvent se poser dans certaines conditions pathologiques : syndromes infectieux (otorhino-laryngologique en particulier), inflammatoires (polyarthrite, état postinfectieux), posttraumatiques... Les explorations fonctionnelles des plus simples aux plus sophistiquées peuvent alors, à la demande, se justifier, ainsi que l'avis des spécialistes concernés (neuropédiatre, ophtalmologiste, otho-rhino-laryngologiste, rhumatologue, infectiologue...).
Une attitude thérapeutique adaptée
Plusieurs méthodes ont été proposées pour la prise en charge du torticolis musculaire congénital : abstention, postulations pluriquotidiennes par l'entourage familial, kinésithérapie, port d'orthèses correctrices, chirurgie...
Il est évident que le torticolis postural, distinct d'un réel torticolis musculaire congénital ne va pas nécessiter grand-chose pour évoluer favorablement. Le torticolis musculaire congénital le plus fréquent, c'est-à-dire découvert chez un nourrisson, sans facteur péjoratif d'accompagnement, ne nécessite en général que de quelques semaines de manipulations kinésithérapiques prudentes et bien orientées.
C'est dans les formes destinées à une évolution défavorable ou ayant fait la preuve de cette évolution défavorable (torticolis musculaire congénital diagnostique chez un enfant déjà grand) que la chirurgie trouve sa place. Qu'elle réalise une section du muscle, des ténotomies uni- ou bipolaires, une plastie en Z du muscle rétracté, qu'elle s'accompagne ou non de soins postopératoires (traction, orthèse, corset de correction active...), cette chirurgie libère plus ou moins totalement la restriction de mobilité, permettant ultérieurement l'amélioration du retentissement dysmorphique craniofacial. Cette chirurgie n'est pas totalement dénuée de risques ou d'insuffisances de correction, mais conduite dans des mains spécialisées et effectuée à un âge pas trop tardif, elle donne des résultats satisfaisants tant sur les plans fonctionnel et positionnel (levée de restriction de mobilité, correction de la malposition...) que sur le plan esthétique (cicatrice discrète, conservation d'un relief sus-sternal harmonieux) et sur le plan évolutif (absence de récidive et/ou persistance d'un chef rétracté...).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature