Entretien
LE QUOTIDIEN : Semaine après semaine, le tiers payant reste le sujet le plus conflictuel de la loi de santé. Marisol Touraine ne devrait-elle pas lâcher du lest sur la généralisation et l’obligation ?
DR CLAUDE PIGEMENT : Le tiers payant n’est pas un enjeu idéologique mais un outil concret pour améliorer l’accès aux soins et lever les barrières financières pour les personnes les plus modestes. J’estime que le tiers payant doit être généralisé mais je ne me situe pas dans une logique de sanction ou de pénalisation des médecins. Les années 2015 et 2016 doivent permettre de faire les tests de mise en œuvre pour un déploiement généralisé au 1er janvier 2017. Je table sur la pédagogie. Faut-il avancer par étapes successives avec certains types de patients, comme les ALD ou les étudiants ? Je suis plutôt favorable à une montée en puissance progressive de l’ensemble du dispositif.
Quel scénario technique a votre préférence ?
Il faut nécessairement s’appuyer sur l’accord du 8 février passé entre les trois familles de complémentaires – mutuelles, assurances et institutions de prévoyance. Les complémentaires ont défini une méthode et un calendrier avec l’objectif d’un dispositif à construire avec les professionnels. C’est une première étape. Cet accord de principe doit être élargi rapidement à la CNAM car il faut un affichage commun entre le régime obligatoire et les complémentaires sur ce dossier. Ce sera un engagement clair des financeurs pour tous les médecins inquiets qui réclament à juste titre des garanties de paiement et de respect des délais.
Sur le fond, le système devra être simple et sécurisé, ce qui suppose la reconnaissance automatique des droits et à terme un interlocuteur unique pour le médecin même si le paiement est éclaté en deux flux. Cet interlocuteur unique passe par la carte Vitale. C’est le meilleur outil pour porter le processus du tiers payant, à l’instar de la carte bleue pour le paiement des biens. Les médecins n’ont pas à être ensevelis sous la paperasse...
En revanche, je ne suis pas favorable aux solutions monétiques à débit différé. Outre que ce système créera plusieurs sortes de patients, il aurait un coût. Je ne vois pas pourquoi les banques fourniraient gratuitement, sans frais, ces cartes santé.
Les détracteurs du tiers payant y voient une remise en cause de la médecine libérale...
Le tiers payant ne remet pas en cause les fondements de l’exercice libéral, auquel je suis attaché. Les radiologues, les biologistes et les pharmaciens le pratiquent déjà sans que leur statut soit remis en cause. Le tiers payant pourra même réorienter vers les cabinets libéraux les malades qui se précipitent aujourd’hui aux urgences.
Je suis conscient des obstacles psychologiques et techniques mais la méthode actuelle de concertation, avec un groupe de travail sur le tiers payant, est la bonne. Cela doit permettre à tous les acteurs de se parler, de lever des malentendus et de construire ensemble l’outil. Ce n’est pas au ministère de l’imposer. Le tiers payant cristallise un malaise réel de la profession et même une crise d’identité de la médecine générale. Je ne sous-estime pas cela. La généralisation du tiers payant est faite pour les patients mais elle ne le sera pas contre les médecins.
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