LORS DU CONGRÈS de Buenos Aires (octobre 2005), l'exposé des résultats de l'étude française E3N coordonnée par Françoise Clavel Chapelon avait déjà conforté les utilisatrices de traitements utilisant les hormones naturelles. En effet, si le risque relatif (RR) de survenue d'un cancer du sein était globalement de 1,4 comme dans les résultats de WHI, il n'était plus que de 1 lorsque le progestatif associé au 17 bêta-estradiol était la progestérone micronisée. Les premiers résultats de l'étude Esther par P. Y. Scarabin avaient montré que l'utilisation des estrogènes par voie transdermique en association avec de la progestérone naturelle n'était pas délétère sur les vaisseaux. En 2006, deux études intéressantes ont été publiées qui étaient consacrées à la tranche d'âge 50-59 ans ; l'une, par Hsia, reprenait les résultats de la WHI, l'autre, par l'équipe de Grodstein (Boston), s'intéressait aux infirmières (Nurses Study). Ces deux études ont montré un effet protecteur du THS contre le risque relatif d'accidents coronariens.
Les 17 et 18 février 2007 a eu lieu, à Budapest, une réunion de travail de l'International Menopause Society (IMS).
A l'issue de la réunion, les délégués de 60 sociétés de ménopause du monde entier ont insisté sur le bienfait de la prise en charge précoce de la femme ménopausée. Tous ont reconnu que les résultats des publications WHI et MWS concernaient une population différente de celle qui demande une prise en charge (moyenne d'âge de plus de 65 ans, IMC élevé...).
Les femmes ménopausées de 45-55 ans sont différentes de celles de 65 ans ou plus, tant sur le plan de la physiologie que sur celui de leur profil de risque pour certaines pathologies (cardio-vasculaires, mammaires, etc.).
Bénéfices attendus du THS.
Le THS demeure le traitement le plus efficace sur les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale. Il contribue à améliorer la qualité de vie des femmes traitées.
L'action sur l'os est indiscutable à tout âge. Les estrogènes ont un rôle protecteur qui réduit le risque de fractures vertébrales ou non vertébrales (fémur, poignet...). Le THS est recommandé, dans un but préventif, chez les femmes de 50-60 ans avec ou sans risque de fracture. Sa poursuite du traitement au-delà de 60 ans est à mettre en balance avec les risques mammaires et cardio-vasculaires individuels et l'existence d'autres traitements efficaces tant curatifs que préventifs. Des études avec des doses faibles d'estrogènes ont montré également l'efficacité de ces traitements (Ettinger « Am J Med », 2005 ; Lindsay « Jama », 2002 ; Genant « Arch Int Méd », 1997).
Le traitement est donc fortement conseillé en cas de ménopause précoce ou d'aménorrhées secondaires prolongées. L'action des estrogènes sur la peau, les cartilages et les tissus conjonctifs est effective.
Récemment, il a été montré que le THS a un rôle positif et réduit les risques intervertébraux (M. P. Brincat-Malte).
La majorité des femmes ayant arrêté le traitement hormonal à partir de 2003 se sont plaintes de douleurs articulaires. Pour C. Christiansen (Danemark), un traitement substitutif commencé tôt pourra éviter la perte osseuse et les modifications du cartilage.
Action sur les vaisseaux.
La ménopause est un facteur de risque cardio-vasculaire. Dans les pays industrialisés, une femme sur deux meurt de maladie cardio-vasculaire et une femme sur vingt-six meurt des suites d'un cancer du sein. L'HTA et le diabète sont les facteurs de risque les plus importants chez la femme par rapport à l'homme.
La prévention de ces pathologies est liée à la réduction de la tension artérielle, au contrôle du poids et du métabolisme glucidique.
Le THS est cardioprotecteur s'il est commencé avant 60 ans et s'il est poursuivi assez longtemps (concept de la fenêtre d'opportunité). Il réduit la mortalité et la morbidité cardio-vasculaires.
Dans les mêmes conditions d'administration, il aurait un rôle neuroprotecteur. En revanche, il a un effet délétère s'il est commencé après cet âge et donc après la formation de plaques d'athérome.
Les travaux de Clarkson (Clarkson T. B. et coll., « J Clin Endocrinol Metab », 1998 ; 83721-83726 ; Adams M. R.4 et coll., « Arterioscler Thromb Vasc Biol », 1997 ; 17 : 217-221 ; Clarkson T. B. et coll., « J Clin Endocrinol Metab », 2001 ; 86 : 41-47 ; Williams J. K. et al., « Arterioscler Thromb Vas Biol », 1995 ; 15 : 827-836) sur la guenon avaient déjà montré cet effet : le traitement estrogénique permet d'éviter la formation de la plaque d'athérome s'il est commencé précocement après la disparition hormonale.
En revanche, ce traitement aurait un effet de déstabilisation sur les plaques déjà constituées.
Impact thromboembolique veineux du THS.
L'augmentation des accidents veineux thromboemboliques (Avte) était, avec celle des cancers du sein, la cause principale d'arrêt de l'étude WHI. Ces Avte surviennent surtout pendant la première année d'une estrogénothérapie administrée per os.
En 2003 puis à Buenos Aires, en octobre 2005, P. Y. Scarabin avait présenté les premières conclusions de l'étude ESTHER (Estrogen and Thrombo Embolism Risk) montrant que, chez les femmes sous THS, seules celles qui utilisent des estrogènes per os avaient un risque accru d'Avte.
Il s'agit d'une étude française multicentrique de type cas-témoins menée par l'Inserm. Son objectif a été d'évaluer l'impact du THS (voie d'administration des estrogènes et progestatif associé) sur le risque thromboembolique veineux (Rtev), chez des femmes ménopausées, âgées de 45 à 70 ans. Les derniers résultats publiés confortent ces données.
Le risque veineux sous estrogènes oraux est augmenté, quel que soit le progestatif associé (OR = 4,2).
En revanche, les femmes sous estrogènes cutanés, en comparaison avec les non-utilisatrices, ont un OR qui varie en fonction du progestatif qui leur est associé :
– estrogènes cutanés seuls : OR = 0,9 (IC 0,4-2,1) ;
– estrogènes cutanés + progestérone naturelle micronisée : OR = 0,7 (IC 0,3-1,9) ;
– estrogènes cutanés + progestatif pregnane : OR = 0,9 (IC 0,4-2 ; 3) ;
– estrogènes cutanés + progestatif norpregnane : OR = 3,9 (IC 1,5-10).
P .Y. Scarabin a étudié l'impact de la voie d'administration de l'estrogène selon la présence ou non d'une anomalie de la coagulation (mutations thrombogènes). En l'absence d'anomalie, les femmes traitées par estrogène transdermique ont un risque identique (OR = 1,2) à celles ne prenant pas de traitement (OR = 1), alors que celles prenant les estrogènes par voie orale ont un risque significativement accru (OR = 4,1).
Les Avte sont donc essentiellement liés à la prise d'un THS par voie orale, surtout durant la première année d'utilisation et plus particulièrement chez les femmes à risque.
Impact mammaire du THS.
L'étude E3N a été coordonnée en France, par Françoise Clavel Chapelon.
Il s'agit d'une étude prospective de cohorte concernant des femmes adhérentes de la Mutuelle générale de l'éducation nationale (Mgen).
Au moment de la publication des résultats au congrès de Buenos Aires, la durée de suivi moyenne a été de 7,7 ans.
Tout comme dans l'étude WHI, il existe un risque relatif de survenue de cancer du sein chez les patientes prenant un THS.
Ce risque est évalué à 1,4 (IC 1,2 –1,6).
Mais l'étude a permis de différencier les groupes de femmes prenant les estrogènes par voie orale ou transdermique associés ou non soit à différents progestatifs de synthèse, soit à la progestérone micronisée.
Quelle que soit la voie d'administration, orale ou transdermique, des estrogènes (17 bêta-estradiol), l'association d'un progestatif de synthèse augmente significativement le risque de cancer du sein. L'association progestérone micronisée plus estrogènes n'est pas responsable d'une augmentation du risque de cancer du sein (RR = 1).
Contrairement à la WHI, l'étude E3N retrouve une augmentation significative du risque (RR = 1,4) en cas d'utilisation des estrogènes seuls.
Les cancers du sein apparus sous THS sont, d'après cette étude, plus souvent des cancers lobulaires que des cancers canalaires. Ces tumeurs possèdent, le plus souvent des récepteurs (ER+).
La prolongation de la cohorte E3N corrobore donc la différence d'effet entre la progestérone micronisée et les progestatifs de synthèse sur le risque de cancer du sein même après six ans de traitement.
Dans un article à paraître prochainement, concernant le suivi de l'étude, F. Clavel Chapelon confirme ces résultats.
Endomètres et hormones.
Les progestatifs et la progestérone contre-balancent la prolifération de l'endomètre liée à l'estrogénothérapie.
Les femmes ménopausées prenant une association estroprogestative en continu ont moins de cancer de l'endomètre que celles ne prenant pas de THS.
D. W. Sturdee, à Budapest, a insisté sur le fait que les traitements utilisant de faibles doses d'estrogènes stimulent moins l'endomètre et provoquent moins de saignements.
La prescription d'estrogènes à très faibles doses (patch à 14 µg de 17 bêta-estradiol) ne nécessiterait pas d'association progestative (Ettinger, « Obst Gyn » septembre 2004)
Conclusion.
En 2007, tout semble donc converger pour dire que les femmes ménopausées doivent être prises en charge dès le début de leur ménopause.
S'il n'y a pas de contre-indications, on pourra envisager la prescription d'un THS associant des doses minimales de 17 bêta-estradiol avec un progestatif non délétère (progestérone naturelle).
Toutes les études publiées à ce jour confirment que les phytoestrogènes n'ont pas plus d'effet que les placebos dans ce domaine.
Des conseils d'hygiène de vie seront donnés : pratique d'une activité physique, diététique appropriée, arrêt du tabac.
Ces recommandations sont d'autant plus effectives qu'il s'agit d'une ménopause précoce, génétique ou iatrogène.
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