Dans quel esprit se sont déroulés les travaux de la commission des Affaires sociales la semaine dernière ?
Alain Milon. Dans un esprit studieux. Nous avions le sentiment de travailler sur une loi extrêmement importante. Contrairement à ce que j’ai pu lire, les relations ont été très cordiales avec la ministre qui a assisté aux séances, comme le lui permet la réforme de la Constitution qui vient d’entrer en vigueur.
Vous aviez aussi comme feuille de route d’apaiser les médecins…
A. M. On peut le dire. Mais c’est plus une interprétation extérieure. Pour l’hôpital, l’idée a été de rééquilibrer les forces en présence. Il y aura bien un directeur qui sera le patron. Mais, à ses côtés, il a des acteurs de la vie de l’hôpital qui sont aussi des patrons dans leur domaine.
En ce qui concerne la médecine de ville, le Sénat a également imprimé sa marque au texte. Vous avez notamment supprimé le caractère obligatoire des « contrats santé solidarité ». Pensez-vous que c’était une fausse bonne idée ?
A. M. Non, ce contrat est un outil qui répond au problème de la démographie, à condition qu’il demeure volontaire. Nous pensons que tout ce qui est coercitif n’a aucune chance de fonctionner. Nous préférons nous adresser à l’intelligence des médecins en leur disant : « Dans les endroits où on manque de
praticiens, si on met en place des maisons médicales pluridisciplinaires, des pôles de santé ou des réseaux, souhaitez-vous y travailler ? » Nous sommes persuadés d’avoir des réponses positives. Et cela permettra de rééquilibrer l’offre de soins sur le territoire national.
Vous tenez beaucoup aux bourses d’étude en échange d’une installation en zone déficitaire. Pourquoi ?
A. M. Très honnêtement, je crois que c’est une excellente idée. Les études de médecine sont longues, difficiles et prenantes. C’est très compliqué d’avoir un job à côté pour les financer. La contrepartie de ces bourses est une installation à tarifs opposables dans des endroits où on manque des médecins. Ainsi, beaucoup de jeunes pourraient s’engager. Et ceux qui ne souhaiteraient plus s’installer dans une zone déficitaire à l’issue de leurs études, devront rembourser les sommes perçues. Pas le double (comme prévu dans le texte des députés), sinon, les étudiants préféreront se tourner vers un prêt bancaire. Ou il faudrait exiger la même chose des énarques ou des polytechniciens qui perçoivent également des indemnités pendant leur formation
La commission a aussi supprimé le recours au testing pour confondre les praticiens qui refusent certains patients. Pourtant Roselyne Bachelot semble beaucoup tenir à ce dispositif.
A.M. Oui, c’est vrai que la ministre y tient. Mais ce n’est pas l’opinion de la commission, ni la mienne. Nous pensons que le refus de soins est un scandale. Une personne qui en est victime a le droit de porter plainte devant la justice, le conseil de l’Ordre ou la Cpam. Si la plainte est fondée, il doit y avoir des sanctions disciplinaires et financières. Mais les refus de soins ne sont pas un phénomène massif. Et autoriser des associations à tester les médecins comme on teste les boîtes de nuit, c’est jeter l’opprobre sur une profession qui est au service de la population. Le testing me choque autant que le refus de soins.
Pourquoi avoir supprimé les mesures de lutte contre l’obésité ?
A. M. Ce n’est pas pour des raisons de fond. Mais si nous voulons traiter le problème de l’obésité, il faut le faire dans le cadre d’une loi à part entière qui s’intéressera à toutes les questions en relation avec la nutrition. Ces mesures n’avaient pas vraiment leur place dans un texte sur l’organisation territoriale de la santé. Nous avons obtenu l’accord de la ministre. En revanche, nous avons gardé l’interdiction de la vente d’alcool et de tabac aux mineurs car il s’agit d’une véritable urgence sanitaire.
Comme Jean-Marie Rolland, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, vous avez exercé la médecine générale. Qu’apporte aujourd’hui HPST à la profession, selon vous ?
A. M. Le texte apporte d’abord la re-connaissance du médecin généraliste avec ses missions. C’est très important. Les généralistes y verront plus clair : ils sauront ce qu’ils sont et où ils se trouvent dans le parcours de soins et dans l’organisation de la santé. Le projet de loi reconnaît également les maisons de santé pluridisciplinaires, les pôles de santé, les réseaux. Dans tous ces dispositifs, le médecin généraliste est reconnu et il devient le véritable coordonnateur des soins du patient.
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