LE VIH EST-IL présent au sein de l’appareil reproducteur masculin ? Sa présence poserait au moins deux problèmes thérapeutiques majeurs. En premier lieu – et si l’on se fonde sur la littérature –, il semblerait que le tractus génital masculin puisse constituer un sanctuaire viral, c’est-à-dire un site où la réplication virale reste active en dépit des traitements antirétroviraux. Des études ont en effet montré que chez des patients traités avec succès sérologiquement (virémie négative), le virus peut persister dans le sperme. De plus, la transmission sexuelle de souches résistantes aux traitements est un phénomène de plus en plus courant qui pose des problèmes de stratégie thérapeutique.
Le second problème posé par l’existence du VIH au sein du tractus génital masculin tient à la demande, assez nouvelle, de procréation médicalement assistée par ces patients, dont la durée de vie a été nettement allongée par les nouvelles thérapeutiques disponibles. Or certains d’entre eux sont atteints d’anomalies de la spermatogenèse qui existent, de façon concomitante ou non, avec une baisse du taux sanguin de testostérone. Or cette baisse des hormones circulantes est parfois associée à un taux élevé de LH sérique traduisant un dysfonctionnement testiculaire.
Culture de fragments testiculaires.
Pour répondre à ces questions, l’équipe Gerhm-Inserm U 625 (Rennes)* a mis au point, dans un premier temps, un modèle ex vivo de culture de fragments testiculaires, contenant tous les types cellulaires de ce tissu et respectant l’anatomie de l’appareil reproducteur. «Il était important de disposer d’un tel modèle puisque la plupart des études déjà publiées étaient fondées sur une analyse anatomo-pathologique des tissus prélevés postmortem chez des sujets symptomatiques. Or on sait que l’infection à un stade chronique évolué s’accompagne d’une inflammation qui pourrait modifier les caractéristiques histologiques tissulaires», analyse pour « le Quotidien » le Dr Nathalie Dejucq-Rainsford. Ce modèle in vitro est aussi remarquable par ses capacités de sécrétions hormonales conservées, même si le tissu n’est plus sensible aux stimulations par la LH, comme c’est le cas in vivo. Cette équipe travaille aussi actuellement sur des modèles in vivo de macaques infectés par le virus simien (VIS), qui permettent aussi de mieux comprendre les modifications histologiques aux stades précoces de l’infection.
Dans un deuxième temps, par immunohistochimie et PCR quantitative, les auteurs ont détecté la présence de cellules susceptibles d’être infectées par le VIH au sein du tissu interstitiel. Ces cellules étaient dotées de récepteurs CCR4, CCR5, CD4 et de DC-Sign (qui facilite l’entrée du virus à l’intérieur des cellules) : il s’agit de macrophages testirésidents, qui ne sont pas présents dans les tubules séminifères. Puis les fragments de testicules en culture ont été mis en contact de VIH-1, ce qui a permis de confirmer l’existence possible d’une réplication virale dans les macrophages intratesticulaires. L’analyse de la production hormonale de ces tissus en culture n’a, en revanche, pas permis de retrouver la baisse de la sécrétion hormonale détectée in vivo. Cette différence pourrait s’expliquer par une modification des capacités de sécrétion, comme le laisse à penser l’insensibilité de ces tissus à la LH.
«Ce travail confirme l’hypothèse de l’existence d’une réplication du VIH au sein de l’appareil reproducteur masculin qui pourrait représenter, même chez les sujets traités efficacement par traitement antirétroviral, un sanctuaire de virus. La persistance de virus dans le sperme chez certains patients traités pourrait ainsi être liée à la production de particules virales libres par les macrophages infectés», conclut le Dr Nathalie Dejucq-Rainsford.
* Roulet V., Satie A.-P., Ruffault A., Le Tortorec A., Denis H., Guist’hau O., Patard J.-J., Rioux-Leclerq N., Gicquel J., Jegou B., Dejucq-Rainsford N. Susceptibility of human testis to human immunodeficiency virus-1 infection in situ and in vitro. « Am J Pathol », 2006 ; 169 : 2094-2103.
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