C’est avec une certaine amertume que Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, termine son troisième et ultime mandat, 18 ans après sa première nomination à la tête de cette vénérable institution qui fédère les mutuelles de France. « Les discours que je faisais il y a dix huit ans sur l’état du système de santé, je pourrais les reprendre mot pour mot aujourd’hui, tant les choses ont peu évolué », se désole-t-il. Invité aux rencontres Auditions privées*, Jean-Pierre Davant a répondu aux questions de Jean-Loup Durousset, président de la FHP, qui s’est amusé à lui porter la contradiction, accompagné de Jacques Métais, ancien Darh d’Île-de-France, et d’Annie Chicoye, économiste de la santé, le tout pondéré Pascal Maurel, directeur de Décision Santé, qui a prévenu tout débordement… Un constat, d’abord : la situation comptable est déplorable. « Le déficit est à peu près 2,5 fois plus important qu’au moment du plan Juppé », a constaté le patron de la mutualité. Et les solutions envisagées pour redresser les comptes n’ont pas l’heur de lui convenir : « Aujourd’hui, l’on souhaite prolonger la durée de vie de la Cades jusqu’en 2025. Ce qui veut dire que les gamins qui ont aujourd’hui 10 ans rembourseront nos dettes lorsqu’ils commenceront à travailler à l’âge de 25 ans ! Ce n’est pas raisonnable ! » A court terme, Jean-Pierre Davant est favorable à l’augmentation de la CSG pour renflouer la sécu. A long terme, « il faudra entamer des réformes structurelles profondes… »
Echec de l’optionnel
Autre souci, les dépassements d’honoraire : pourquoi donc, interroge Jean-Loup Durousset, les négociations entre l’Unocam et la tutelle sur le secteur optionnel n’ont-elles jamais abouti ? Quoi qu’il en soit, répond Jean-Pierre Davant, « l’optionnel n’est pas la solution aux dépassements. Le système conventionnel est actuellement totalement dérégulé. Il faut que les médecins arrêtent de faire chanter leurs patients ! Il faut absolument réguler la profession médicale ! La situation actuelle est inacceptable ! » De même, ne trouvent grâce à ses yeux les changements organisationnels en cours. « Quant aux ARS, je veux bien attendre. Mais je ne sais pour le moment aucun changement. Je ne vois pas comment l’on va régler au plan régional des problèmes d’ordre national… », pense-t-il. Et les vraies réformes ne sont pas engagées. Exemple, les urgences. « A Paris, 30% du personnel est affecté aux urgences qui font principalement de l’urgence sociale et de la bobologie. Ce qui a un coût. Une angine prise en charge aux urgences coûte 200 euros à la collectivité. A Barcelone, des maisons de santé ouvertes jour et nuit traitent la prise en charge de la précarité et la bobologie, tandis que l’hôpital ne prend en charge que les véritables urgences… » Très critique à l’égard de l’organisation du système de santé, Jean-Pierre Davant vante, en revanche, les vertus de la Mutualité française. « Pour mieux orienter les adhérents vers les professionnels de santé les plus vertueux, nous avons institué le dispositif "Priorité santé mutualiste". En appelant le 3935, nous recommandons trois services dans le voisinage proche de l’adhérent qui nous sollicite. Ces professionnels de santé recommandés respectent les normes de qualité que nous avons mises en place avec l’Inca, par exemple, en ce qui concerne la cancérologie. Mais ces normes sont également édictées en matière de maladies cardio-vasculaires, d’addiction, d’ophtalmologie. »
Conventionner les professions de santé
« Prochainement, nous espérons que nous pourrons également adopter des recommandations économiques pour éviter les dépassements d’honoraire, et conventionner les professionnels de santé qui les suivent. » Comme pour lui répondre, Jean-Loup Durousset argue que la transparence manque également « dans les milliers de contrats des complémentaires ». Du tac au tac, Davant lui répond que « la complexité des contrats des complémentaires est dû à la dérégulation du système de santé. » Annie Chicoye lui fait remarquer que le système de santé est de plus en plus contrôlé, via, par exemple, le CEPS. Et qu’évoquer la dérégulation est sans nul doute exagéré. Ce à quoi Jean-Pierre Davant lui répond que, malgré la multiplication des instances, les dépassements d’honoraire n’ont jamais été aussi élevés. « Ce sont des milliards.... » Candidat à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Jean-Pierre Davant, là aussi, ne se fait guère d’illusions : « Le président de la République, en nommant quarante membres, et en présentant un candidat proche (Jean-Paul Delevoye, NDLR) à la présidence du CESE a exagérément politisé un conseil censé représenter la société civile… »
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