LES CERTITUDES vacillent et l’imposture est de mise. Qui croire ? Quand la littérature investit les domaines de l’art et du cinéma, l’apparence n’est plus ce que l’on croit.
Ecoutez Arthur Cravan, neveu d’Oscar Wilde (1). Supposé mort noyé dans le Rio Grande, à la fin de 1918, il est, cinquante ans après, un vieil homme qui entreprend d’écrire ses souvenirs «parce que je ne veux pas disparaître sans avoir rien compris à moi-même et à ma vie». Il n’en dévoile qu’une partie, car il a vécu tellement de vies sous tellement de noms différents qu’en faire le récit aurait été interminable.
Les morceaux choisis qu’il nous livre font de lui un aventurier tous azimuts, qui fut à la fois poète, boxeur et critique d’art, et planteur, gérant d’hôtel, agent de renseignements trafiquant et j’en passe, parcourant tour à tour l’Allemagne, la France, l’Espagne, les Etats-Unis ou le Mexique. Il a fréquenté les milieux avant-gardistes, surréalistes et dadaïstes du Paris de l’avant-guerre et du New York des années 1916-1918, il a été proche de Picabia et de Duchamp – lequel vient d’ailleurs de mourir, après Van Dongen. C’est là la vraie raison pour Arthur Cravan de sortir de son « anonymat » : il est le dernier fugitif, susceptible de disparaître à tout moment, d’une époque qui est de l’histoire ancienne et qui appartient désormais aux livres.
Philippe Dagen, qui enseigne l’histoire de l’art à l’université de Tours en même temps qu’il fait la chronique des expositions dans « le Monde » et qu’il publie romans et essais sur l’art, sait de quoi il parle. Mêlant personnages réels et fictifs, il s’interroge notamment sur la fidélité des artistes de cette période à leurs engagements. Contrairement à d’autres, c’est justement au prix de sa disparition que son héros, Arthur Cravan, est allé au bout de sa liberté, renonçant à sa notoriété, refusant toutes les conventions, choisissant «de n’être personne pour ne pas se trahir». De ces questions essentielles, Philippe Dagen a fait un roman d’aventures intellectuelles réjouissant.
Le grand complot.
Changement de décor avec Patrick Besson – Grand Prix du roman de l’Académie française pour « Dara », prix Renaudot pour « les Brabans » –, pour qui « Marilyn Monroe n’est pas morte » (2). Pour lui, qui se met en scène dans ce court roman, c’est un fait établi puisqu’il l’a vue, en 1989, dans un café à Bridgeport, Californie. Elle n’était plus alors la blonde explosive, mais une femme d’une soixantaine d’années qui, très simplement, s’est proposée de lui cuisiner, ainsi qu’à son copain, un lapin à la moutarde. Occasion ratée, certes, puisqu’elle n’a pas laissé son adresse, mais l’auteur persiste et signe car Marilyn réapparaît des années plus tard dans sa vie. Largement septuagénaire et toujours d’une séduction ravageuse, elle l’entraîne sur les chemins détournés de révélations plutôt étonnantes.
Non seulement Marilyn Monroe n’est pas morte, mais John Kennedy n’a pas été assassiné à Dallas et les Américains n’ont pas marché sur la Lune ! Les mythes volent en éclats, mais la CIA est toujours là pour éliminer ceux qui pourraient tacher la bannière étoilée...
L’idée était peut-être bonne, dommage que, par son manque d’ampleur, le récit ne soit pas à la hauteur du grand complot évoqué.
(1) Editions Grasset, 299 p., 17,90 euros.
(2) Editions Mille et Une Nuits, 111 p., 10 euros.
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