L'APPEL de 20 «experts internationaux» sur les risques du téléphone portable a obtenu l'effet escompté : un déferlement d'annonces médiatiques. Il faut dire que les messages de santé publique ont souvent besoin d'être martelés pour être entendus. Surtout quand il s'agit de messages de précaution.
En matière d'information, il n'y a toutefois aucune nouveauté. Cet appel, coordonné par le Dr David Servan-Schreiber, psychiatre et auteur à succès, vise à alerter le grand public sur l'utilisation du téléphone portable.
Il n'est pas question de jeter l'anathème sur cet appareil largement diffusé, plus de 50 millions d'accros en France. «Même moi (D. S.-S.) , porteur d'un cancer au cerveau, je ne m'en passerai plus. En revanche, nous, les utilisateurs, devons tous prendre les mesures de précaution qui s'imposent aux vues des données scientifiques récentes sur leurs effets biologiques, particulièrement si nous sommes déjà porteur d'un cancer avéré», écrit David Servan-Schreiber dans l'appel mis en ligne sur guerir.fr. «Compte tenu de l'absence de preuve absolue chez l'être humain d'un effet cancérogène des ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, nous ne pouvons pas parler de la nécessité de mesures de prévention (comme pour le tabac ou l'amiante) . Dans l'attente de données définitives portant sur des périodes d'observations prolongées, les résultats existants imposent que l'on fasse part aux utilisateurs des mesures les plus importantes de précaution comme l'ont aussi suggéré plusieurs rapports nationaux et internationaux» (voir encadré).
L'alerte médiatique ne s'invente pas. Le communiqué diffusé pas la fondation Santé et Radiofréquences, en décembre dernier, soit avant les cadeaux de Noël, avait eu bien peu de retentissement. Pourtant, il ne faisait pas autre chose qu'inviter à la prudence, en particulier pour les enfants. Le conseil scientifique de la fondation appelait à la responsabilité des parents, des distributeurs et des industriels. Il indiquait également les invariables conseils d'utilisation recommandés, dès 2005, par la si décriée Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET).
«Je ne suis pas surprise par cet appel. Ce qui m'étonne, c'est le moment où il est lancé alors que rien de nouveau ne le justifie particulièrement», explique Martine Hours, présidente du conseil scientifique de la fondation Santé et Radiofréquences. «Cet appel de précaution se situe dans la même logique que la nôtre», se félicite l'épidémiologiste, coordinatrice de l'équipe de projet Interphone de l'OMS pour la France.
L'étude Interphone, menée par le Centre international de recherche sur les cancers (CIRC), a pour objectif d'étudier s'il existe une relation entre l'usage du téléphone mobile et les tumeurs de la tête. Elle concerne les pathologies suivantes : gliome du cerveau, méningiome cérébral, neurinome du nerf acoustique et tumeur de la parotide. Treize pays y sont associés : France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Canada, Japon, Nouvelle-Zélande, Australie, Israël. L'analyse de cette étude, dont les résultats sont espérés d'ici à la fin de l'année, permettra de comparer l'usage du téléphone mobile chez les cas et chez les témoins, notamment en prenant en compte l'intensité de l'usage, la durée des appels, l'ancienneté de l'usage, l'utilisation de kits mains libres et d'autres paramètres, comme le fait de vivre en ville ou à la campagne, ou d'utiliser le téléphone en se déplaçant. Le volet français de l'étude a déjà conclu qu'il existe un «risque accru de gliomes chez les gros utilisateurs. Mais ce risque n'est pas significatif et plusieurs biais peuvent intervenir», précise Martine Hours.
Un risque avéré, la dépendance.
«Il faut apaiser ce débat qui est difficile. Si effets il y a, ils ne seront pas énormes. Même si l'appel à la mesure est toujours utile, il y a beaucoup d'autres risques», et avérés, comme le montre l'histoire récemment rapportée par le journal espagnol « El Mundo ».
Deux adolescents de 12 et 13 ans se sont ainsi retrouvés dans un centre de soins spécialisé à Lleida pour une «addiction au téléphone portable». «Ils sont arrivés pour leur addiction à Messenger (système d'envoi de messages rapides sur Internet), mais nous avons vu qu'ils avaient aussi une addiction au téléphone portable», a déclaré la directrice du centre de pédopsychiatrie. Ces deux adolescents possédaient un téléphone portable depuis un an et demi qu'ils utilisaient sans contrôle (entre cinq et six heures par jour), ce qui a contribué à les mettre en échec scolaire. Le traitement des deux jeunes patients durera au moins deux ans, estime la responsable.
Pour les résultats du bac, un «je l'ai eu, et avec mention très bien» ne devrait pas entraîner de risque, potentiel ou avéré, excessif.
Les 10 précautions clés
– Pas de portable pour les moins de 12 ans, sauf en cas d'urgence.
– Maintenir le téléphone à plus de 1 m du corps (grâce à un kit mains libres équipé d'un tube à air ou une oreillette Bluetooth).
– Restez à plus de 1 m de distance d'une personne en communication et évitez l'utilisation du téléphone dans les lieux publics (bus, métro...).
– Évitez le plus possible de porter un téléphone sur vous.
– Si vous devez le porter sur vous, la face clavier doit être dirigée vers le corps, la face antenne, vers l'extérieur.
– N'utilisez le téléphone portable que pour établir le contact ou pour des conversations rapides.
– À l'oreille, changez de côté régulièrement et attendez que le correspondant ait décroché pour approcher l'appareil.
– Évitez d'utiliser le portable lorsque la force du signal est faible ou lors de déplacements rapides.
– Communiquez par SMS plutôt que par téléphone.
– Choisissez un appareil avec le DAS (débit d'absorption spécifique).
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