De notre correspondante
LES FACTEURS déterminant la masse adipeuse chez l'adulte ne sont pas bien compris. On pensait jusqu'ici que le stockage accru des lipides dans les cellules adipeuses représentait le facteur le plus important. Lorsqu'on grossit, les adipocytes se remplissent de graisses et augmentent en volume.
Une équipe internationale, dirigée par le Dr Kirsty Spalding et les Prs Jonas Frisén et Peter Arner de l'Institut Karolinska de Stockholm (Suède), a montré que le nombre des adipocytes est également un déterminant majeur de la masse graisseuse chez l'adulte.
Cependant, en testant des centaines d'enfants, d'adolescents et d'adultes, les chercheurs ont constaté que, tandis que le nombre de cellules adipeuses augmente durant l'enfance, ce taux reste constant durant la vie adulte, aussi bien chez les sujets minces que ceux qui sont obèses. Même dans des circonstances extrêmes, lorsque deux ans après une chirurgie bariatrique des sujets obèses ont considérablement maigri, leur nombre (élevé) de cellules adipeuses n'a pas baissé.
Le taux de C14 d'une cellule.
L'équipe a étudié également le remplacement des adipocytes durant la vie adulte. On ne sait pas bien, en effet, si l'adulte peut générer de nouvelles cellules adipeuses in vivo. Pour répondre à cette question, l'équipe a fait appel à une méthode récemment développée pour dater les cellules humaines. Elle exploite un effet causé par les essais nucléaires menés à l'air libre pendant les années de guerre froide, entre 1955 et 1963. Ces tests ont augmenté la quantité de carbone 14 dans l'atmosphère. L'isotope C14 s'est incorporé dans les plantes, puis chez les animaux mangeant ces plantes, et par ces voies dans l'ADN humain. Après l'interdiction de ces tests, les taux atmosphériques de C14 ont commencé à diminuer. Puisque l'ADN est stable après l'arrêt de la division cellulaire, le taux de C14 d'une cellule reflète le taux atmosphérique au moment de la naissance.
L'étude montre que tous les individus nés avant 1955 (n = 10), entre 0 et 22 ans avant, ont des taux de C14 adipocytaires bien plus élevés que les taux atmosphériques de C14 antérieurs aux tests nucléaires. Ceci indique que leurs adipocytes ont été générés après 1955, durant l'adolescence et la jeune vie adulte. Chez les individus nés après les tests nucléaires (n = 25), les taux de C14 adipocytaires correspondent de manière surprenante aux taux atmosphériques contemporains de C14, une preuve du renouvellement constant des adipocytes chez les adultes.
Remplacés tous les 8 ans et demi.
Les chercheurs ont estimé qu'environ 10 % (exactement 8,4 %) des cellules adipeuses sont renouvelées chaque année, quels que soient l'âge et l'indice de masse corporelle. La moitié des adipocytes sont remplacés tous les 8 ans et demi. La mort des adipocytes est compensée par la production de nouvelles cellules, qui est deux fois plus élevée chez les sujets obèses que chez les minces.
«Le nombre total des adipocytes reste stable au fil du temps, car la production de nouvelles cellules adipeuses est contrebalancée par une dégradation aussi rapide des cellules adipeuses existantes, par mort cellulaire, souligne dans un communiqué le Pr Arner. Ces résultats pourraient, au moins en partie, expliquer pourquoi il est si difficile de maintenir une baisse de poids. Les nouvelles cellules adipeuses générées pendant et après la diminution pondérale ont besoin de se remplir rapidement de graisses.»
Le renouvellement des cellules adipeuses ainsi établi pourrait offrir une nouvelle cible au traitement de l'obésité, en inhibant, par exemple, la formation des nouvelles cellules adipeuses.
Les adultes obèses le sont déjà dans l'enfance.
L'équipe a également constaté que les adipocytes commençaient à se développer plus tôt (vers l'âge de 2 ans) chez les obèses que chez ceux de poids normal (vers 5-6 ans). L'augmentation du nombre de cellules est deux fois plus rapide pour ceux qui sont en surpoids, mais le mécanisme s'interrompt également plus tôt, vers 16,5 ans chez eux, contre 18,5 ans chez les autres. De quoi conforter les données statistiques qui suggèrent que la majorité des adultes obèses le sont déjà dans l'enfance. Dans la population de l'étude, seulement 10 % des enfants de poids normal sont devenus obèses, contre plus de 75 % de ceux qui sont en surcharge pondérale.
«Plusieurs groupes étudient des composés qui pourraient réguler la formation des adipocytes, mais cette recherche est encore trop balbutiante pour savoir si de tels agents seront testés chez les patients, et dans combien de temps», conclut le Dr Spalding.
« Nature », 4 mai 2008, Spalding et al., DOI : 10.1038/nature06902.
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