LA PANCRÉATITE chronique héréditaire, maladie rare, reste mal connue. On sait qu’elle est associée à un surrisque important d’adénocarcinome pancréatique. Mais, jusqu’à présent, seules deux études avaient été réalisées sur la question, fondées sur des comparaisons de groupes très hétérogènes. «Leurs résultats appellent les plus grandes réserves», selon le Pr Philippe Lévy. Pour palier cette faiblesse des données, une enquête a été réalisée en France, auprès de l’ensemble des laboratoires de génétique, des gastro-entérologues et des pédiatres, pour recenser les personnes atteintes de pancréatite chronique héréditaire sur le territoire national, et préciser l’histoire naturelle de la maladie (1).
Soixante-dix-huit familles ont été identifiées, comportant 200 patients, dont 181 vivants, soit un total de 6 673 personnes-années. Compte tenu d’un taux de réponse de 100 % du côté des laboratoires, et de 84 % du côté des gastro-entérologues et des pédiatres, on peut considérer ce recensement comme quasi exhaustif.
L’âge moyen à l’inclusion était de 30 ans ; 53 % des sujets étaient de sexe masculin. Les taux d’alcoolisme et de tabagisme étaient respectivement de 5 % et 34 %. Enfin, des mutations du gène PRSS1 ont été trouvées chez 68 % des patients, avec une origine maternelle de l’allèle muté dans 65 % des cas. Des mutations du gène facilitateur SPINK 1 ont par ailleurs été trouvées chez 13 % des patients, et des mutations du gène CFTR (mucoviscidose) dans 2 % des cas.
Dans cette population, 10 adénocarcinomes pancréatiques ont été diagnostiqués, et prouvés histologiquement : 6 chez des hommes et 4 chez des femmes. L’âge moyen lors du diagnostic est de 55 ans. A 50, 60 et 75 ans, le risque cumulé de survenue est respectivement de 11 %, 16% et 49% chez les hommes, et de 8 %, 22 % et 55 % chez les femmes, soit, globalement, un risque 87 fois supérieur à celui de la population générale en France.
Indépendamment du gène PRSS1.
Ce risque est indépendant du statut génétique au niveau de PRSS1, et n’apparaît pas lié au mode d’héritage, paternel ou maternel de l’allèle muté. En revanche, la survenue d’un adénocarcinome est corrélée à l’absence de pancréatite aiguë dans l’histoire du patient, ainsi qu’à l’apparition tardive de l’affection. Les premiers symptômes de pancréatite chronique héréditaire sont ainsi apparus à l’âge de 25 ans en moyenne chez les patients atteints, contre 9 ans pour les autres patients de la cohorte. Il s’agit, pour le Pr Lévy, d’un résultat «un peu paradoxal».
Un surrisque d’adénocarcinome pancréatique apparaît avec le diabète et, surtout, avec le tabagisme. A 75 ans, le risque cumulé est en effet de 72 % chez les fumeurs contre 16 % chez les non-fumeurs.
«Chez les patients atteints de pancréatite chronique héréditaire, le tabac constitue de très loin le premier facteur de risque d’adénocarcinome pancréatique», commente le Pr Lévy. « Il doit absolument être évité.»
Concrètement, la première conséquence de l’enquête sera donc d’améliorer la prévention de l’adénocarcinome pancréatique en insistant sur le rôle du tabagisme. Dans un second temps, l’objectif est de mettre en place un dépistage précoce de la tumeur. Les personnes apriori concernées par ce dépistage sont maintenant recensées. «Nous réfléchissons actuellement au type d’examen et au rythme optimal de la surveillance», précise le Pr Lévy.
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