UNE MÉTAANALYSE récemment publiée d'études prospectives conclut que l'habitude tabagique représente un facteur de risque de déclin cognitif et de démence (Anesty et coll. « Am J Epidemiol », 2007 ; 1664[4] : 367-78). L'association est prioritairement due à un effet sur la maladie vasculaire. Les recherches sur le lien entre les grandes fonctions cognitives, c'est-à-dire la pensée, l'apprentissage et la mémoire, sont difficiles à réaliser chez les personnes âgées, notamment en raison de la mortalité prématurée due au tabac, mais aussi à cause des perdus de vue.
Par ailleurs, il a été établi dans la population générale que des altérations des fonctions cognitives observées à un âge moyen préfigurent la survenue d'une démence tardive, voire sont associées à une progression plus rapide vers une démence. Séverine Sabia et coll. (INSERM U708, Villejuif) ont analysé les données de 10 308 employés enrôlés dans l'étude Whitehall II entre 1985 et 1988 à Londres. Les habitudes vis-à-vis du tabac ont été analysées à l'inclusion, puis à nouveau en 1997 et 1999.
Mémoire, raisonnement, vocabulaire, fluence verbale.
Au total, 5 388 participants ont été soumis à des tests de mémoire, de raisonnement, de vocabulaire et de fluence verbale entre 1997 et 1999. Parmi eux, 4 659 ont été retestés cinq ans plus tard.
Les résultats montrent tout d'abord que les individus qui fumaient à l'inclusion dans l'étude avaient une probabilité accrue de mourir au cours des 17,1 années en moyenne de suivi (odds ratio de 2), et, pour les survivants, de ne pas participer aux tests des fonctions cognitives (OR de 1,32).
Lors de la première série de tests, on constate que les fumeurs ont une probabilité accrue d'être dans le groupe des individus les moins performants (le quintile le plus bas), comparativement à ceux qui n'avaient jamais fumé. Après ajustement pour des variables confondantes, le risque demeure pour la mémoire (OR de 1,37).
Bénéfices chez ceux qui avaient arrêté.
En revanche, ceux qui avaient arrêté de fumer à l'inclusion présentaient un risque réduit de 30 % comparativement aux fumeurs d'avoir un vocabulaire appauvri et un score de fluence verbale réduit.
Par ailleurs, on constate que les individus qui ont arrêté de fumer pendant le déroulement de l'étude ont acquis des habitudes plus saines quant à leur mode de vie : moindre consommation d'alcool, davantage d'activité physique, consommation plus fréquente de fruits et de légumes.
«Cette étude révèle quatre points clés», écrivent les auteurs. D'abord, le tabagisme aux âges moyens de la vie est associé à une altération de la mémoire et à un déclin des capacités de raisonnement. Ensuite, les ex-fumeurs qui ont arrêté depuis longtemps ont une probabilité moindre de souffrir de déficits cognitifs pourtant sur la mémoire, le vocabulaire et la fluence verbale que les fumeurs. Troisièmement, l'arrêt du tabagisme à l'âge adulte s'accompagne d'une amélioration des autres comportements de santé. Et, enfin, indiquent les auteurs «nos résultats qui se fondent sur une grande cohorte d'employés britanniques d'âge moyen, suivis prospectivement, suggèrent que l'association entre le tabagisme et la cognition pourrait être sous-estimée, en raison du risque de décès des fumeurs et de leur plus faible compliance aux tests». Au cours des vingt dernières années, les actions de santé publique ont abouti à une modification des comportements vis-à-vis du tabac. «Les messages de santé publique devraient se poursuivre en ciblant les fumeurs de tous les âges», ajoutent Séverine Sabia et coll.
« Arch Intern Med » 2008 ; 168(11) : 1165-73.
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