Plan cancer III

Le tabac ennemi public numéro 1

Publié le 28/02/2014
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Le plan cancer III affiche une priorité, la lutte contre le tabac et un fil rouge, la réduction des inégalités dans l'accès aux soins. Des nouveaux dispositifs devraient accélérer la mise à disposition des nouveaux traitements. Le cancer depuis Jacques Chirac est aussi devenu un enjeu politique. Décryptage.

Avec un institut, un plan soutenu par le président de la République, le cancer fait l’objet d'une mobilisation générale. 1,5 milliard d’euros sur cinq ans seront affectés à la lutte contre cette affection. L’investissement doit être comparé au coût des cancers estimés chaque année à 14 milliards d'euros. Maladie globale, multifactorielle, un ennemi est toutefois clairement désigné, le tabac. Dans la lutte contre cette addiction, il y a là un échec hexagonal. Le deuxième plan avait fixé un objectif précis : une réduction d’un tiers de la consommation de tabac avec une prévalence qui devait baisser de 20 % à 30 %. Résultat, le taux atteint aujourd’hui 33 %. Dans le même temps, le nombre de cancers du poumon recule en Angleterre depuis les années quatre-vingt, aux Etats-Unis à partir de 1990. Il n’y a donc pas de fatalité. Un programme national de réduction du tabagisme présenté avant l’été par Marisol Touraine devra impulser un nouveau départ. Le combat sera-t-il cette fois gagné, alors que le prix de paquet de cigarettes est déjà très élevé en France, comparé aux autres pays européens ? En attendant, tous les professionnels de santé sont invités à s’enrôler dans cette lutte depuis les médecins généralistes jusqu’aux médecins du travail et infirmières scolaires autorisés à proposer des substituts nicotiniques.

40 nouveaux médicaments

Si le combat contre le tabac est bien le marqueur, l’étendard de ce troisième plan cancer, la mise à disposition de l’innovation au service des patients constitue un engagement fort de François Hollande. Outre l’importance reconnue à la recherche fondamentale, la position de la France déjà reconnue dans les essais cliniques en cancérologie devrait être renforcée avec le doublement de patients inclus dans les protocoles. De 25 000, il passera à 50 000 malades participant à des essais, a annoncé François Hollande. En vérité, cette ambition n’apparaît pas si démesurée. Le document « Plan cancer 2014-2019 » recense plus de 800 molécules relevant de la thérapie ciblée en cours de développement ou d’évaluation. À cinq ans, même avec un taux d’attribution de 95 %, on peut espérer la mise sur le marché d’au moins quarante nouveaux médicaments. Cette révolution en marche exige la mise en œuvre de nouveaux dispositifs réglementaires. Dans ce cadre, le plan suggère de « favoriser des AMM conditionnelles (« adaptative licensing ») pour gagner en réactivité ». Afin d’inciter à la recherche dans des domaines laissés en friche comme l’onco-pédiatrie par exemple, la durée du brevet serait étendue. Des prix plus élevés seraient même consentis aux industriels. Pourtant, la question des coûts du médicament a été évoquée par François Hollande qui a annoncé la fin du « prix fixe ». Les tarifs seraient régulés périodiquement « en fonction de leur usage et de la qualité de vie qu’ils procurent ». Et le président de fustiger les excès et les situations de rente. Le plan dans ce domaine envisage même la forfaitisation des lignes de traitement.

Dépister les cancers du col de l’utérus

Enfin, au-delà des mesures sectorielles, le fil rouge de la réduction des inégalités à l’accès aux soins explique un grand nombre de décisions comme le lancement d’un nouveau programme national de dépistage pour le cancer du col de l’utérus. Les femmes issues des catégories sociales défavorisées seraient les plus exposées, faute d’un suivi gynécologique régulier. François Hollande a rappelé l’importance du vaccin pour les jeunes filles. Et fixe un cap d’ici à cinq ans : doubler la couverture vaccinale contre le cancer du col, « ce qui rendra possible son éradication ». Toutefois, la logique de réduction des inégalités n’aurait pas été menée jusqu'à son terme : « Je regrette que la suppression des dépassements d’honoraires et du reste à charge ne soit pas envisagée », confiait le Pr Jean-Paul Vernant, l’inspirateur de ce troisième plan. Une telle mesure aurait soulevé une levée de boucliers chez certains professionnels...

Au final, l’annonce présidentielle a largement été saluée. La lutte contre le cancer est bien devenue depuis 2003, l’année du lancement du premier plan, un enjeu politique. Le cancer serait un sujet trop sérieux pour le confier aux seuls soignants….

Gilles Noussenbaum

Source : legeneraliste.fr: 295