F AISANT l'objet d'intenses débats et parfois de vives critiques, devenu, lors des deux dernières élections présidentielles, un enjeu essentiel de la confrontation entre les candidats, le système de santé et d'assurance-maladie américain est, de ce côté-ci de l'Atlantique, fréquemment décrié, mais en général mal connu.
Aussi l'un des grands mérites de l'étude que viennent de publier deux chercheurs du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Sandrine Chambaretaud et Diane Lequet-Slama, avec le concours d'un chercheur américain, Victor G. Rodwin (New York University) est-il de présenter de manière condensée et didactique le fonctionnement d'un système qui fait souvent figure d'antimodèle et, plus rarement, d'exemple. Et aussi de tordre le cou à quelques idées reçues. Au premier rang desquelles figure celle qui voudrait que le système de soins américain soit entièrement aux mains du secteur privé et des assurances. Les auteurs soulignent à cet égard qu'en 1998 « 33 % des dépenses de santé (qui représentent près de 14 % du PIB contre un peu moins de 10 % en France) étaient financées par les assurances privées, contre 45 % par les financements publics et 22 % par les ménages eux-mêmes ». Quant au secteur hospitalier, les établissement privés à but lucratif ne représentent que 11 % du parc hospitalier, soit une part nettement inférieure à celle occupée, en France, par les cliniques privées.
Sur les problèmes de couverture maladie, l'étude de la DREES passe en revue le rôle respectif des assurances privées et des programmes publics.
Les assurances privées souscrites par les entreprises couvraient, en 1999, 65 % des Américains de moins de 65 ans. La quasi-totalité des grandes entreprises et 54 % de celles de moins de 200 salariés proposent en effet une couverture maladie à leurs employés. Si l'essentiel de la prime est payé par l'employeur - qui en fait un atout pour recruter des salariés en période de faible chômage -, le salarié doit quand même acquitter une quote-part qui représente environ 200 F par mois. Quant aux assurances privées souscrites à titre individuel, elles demeurent marginales car « les primes demandées à des personnes s'assurant individuellement et présentant des risques élevés sont rédhibitoires ».
En ce qui concerne le programme Medicare qui est financé pour l'essentiel par des fonds publics, dont le coûta atteint 220 milliards de dollars (sur un total de 1 128 milliards pour l'ensemble des dépenses de santé) et qui couvre 14 % de la population (essentiellement les personnes âgées de plus de 65 ans, les personnes en incapacité permanente et les insuffisants rénaux), les auteurs notent qu'il s'agit d'un système présentant plusieurs lacunes. D'abord parce que le couverture de base Medicare ne prend en charge que les soins d'hospitalisation pour les malades aigus. Les honoraires médicaux ne sont remboursés que si le bénéficiaire de Medicare souscrit une assurance optionnelle payante. Quant aux médicaments, ils ne sont pas du tout remboursés, hormis ceux délivrés dans le cadre d'une hospitalisation. Une situation qui a été à l'origine d'une vive bataille lors de la dernière élection présidentielle, les démocrates s'étant engagés sur un programme audacieux de prise en charge de ces médicaments, au grand dam de l'industrie pharmaceutique qui redoutait, notent les auteurs, que « l'Etat mette en place un contrôle des prix des médicaments afin de limiter la croissance des dépenses pharmaceutiques ». Malgré les nombreuses failles dans les remboursements, le programme Medicare est de plus en coûteux. Les dépenses pour l'assurance hospitalière de base (financée sur fonds publics) qui représentaient 1,39 % du PIB américain en 2000 pourraient représenter 2 % en 2025.
Quant au second programme financé sur fonds publics, Medicaid, qui couvre 33 millions de personnes, soit 11 % de la population, et qui prend en charge les plus démunis, les handicapés et les personnes âgées dépendantes, il propose des remboursements plus généreux que ceux de Medicare. Mais il y a, note l'étude de la DREES, de nombreux trous dans le filet de Medicaid, notamment les familles sans enfants et les personnes seules.
Résultat de cette mosaïque de systèmes d'assurances, privée et publiques : 17,6 % des Américains n'ont pas d'assurance-maladie. Une situation qui a été dénoncée à de multiples reprises et qui frappe surtout les jeunes adultes, les minorités ethniques, notamment la population noire (21,2 % sans assurance) et surtout celle d'origine hispanique (un tiers sans assurance). L'absence de couverture maladie signifie bien souvent absence de soins. Selon un rapport de la Fondation Kaiser, citée par les auteurs de l'étude, un adulte non assuré sur cinq renoncerait à se faire soigner et « 30 % des adultes n'achèteraient pas les médicaments qui leur ont été prescrits ».
Au-delà de cette description de la couverture maladie, l'étude de la DREES s'attache à détailler l'organisation dus système de soins qui s'est mise en place depuis une vingtaine d'année sous l'impulsion des compagnies d'assurance. Un système de soins où les managed care organizations (MCO), se taillent désormais la part du lion, qu'il s'agisse des Health Maintenance Organizations (HMO) - où patients et médecins sont placés en liberté surveillée, où le paiement à la capitation ou le salariat sont de mise - ou des systèmes plus souples, tels les Prefered Provider Organizations (PPO) où le patient peut choisir librement son médecin mais est moins bien remboursé s'il ne va pas consulter l'un de praticiens agréé par son l'assureur. Ces MCO, qui ont longtemps fait figure de modèle en France chez les partisans d'une rationalisation du système de soins et d'une maîtrise des dépenses de santé, ont sans doute contribué, notent les auteurs, au ralentissement des dépenses de santé constaté dans les année 1993-1997. Mais ils sont aujorud'hui critiqués aux Etats-Unis. Selon un sondage de la Kaiser Foundation, réalisé l'an dernier, 39 % des personnes interrogées estiment que les MCO « ne sont pas bons au regard des critères de qualité et de coût ».
(1) « Couverture maladie et organisation des soins aux Etats-Unis », Etudes et résultats, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. Juin 2001.
Washington : fermeture du
seul hôpital public
Le seul hôpital public de Washington, DC General Hospital, a fermé tous ses services, à l'exception des urgences, faute d'argent.
« Nous n'acceptons plus de patients », a déclaré Carmelita Snowden, une porte-parole de l'hôpital qui comptait à l'origine 260 lits.
Tous les services d'hospitalisation de cet hôpital, situé dans un quartier à majorité noire, ont été fermés, sauf les urgences où les patients seront traités « jusqu'à ce que leur état soit stabilisé », soit « moins de vingt-quatre heures », a-t-elle précisé .
La fermeture de l'hôpital a été décidée par la ville en raison de son déficit (67,3 millions de dollars en 2000).
Selon une association opposée à sa fermeture, baptisée « Coalition pour sauver D. C. General », la suppression progressive des services de l'hôpital ces six dernières semaines a « entraîné 14 morts qui auraient pu être évitées (...), provoqué des voyages plus longs pour les ambulances et surchargé les urgences d'autres hôpitaux ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature