C’EST DANS LES PROGRÈS économiques et technologiques des années 1960, aux premiers temps de la société de consommation, que l’art d’Arman puise ses sources. Le peintre, jusqu’alors électron libre, proche d’Yves Klein, et connu pour ses « Empreintes » et « Cachets » aux gestes automatiques, fonde en octobre 1960, sous la tutelle du critique d’art Pierre Restany et aux côtés d’une dizaine d’artistes (Klein, Martial Raysse, Jacques Villeglé...), le groupe des Nouveaux Réalistes, qui allait révolutionner l’art de la seconde moitié duXXe siècle.
Arman conçoit ses œuvres comme le reflet d’une nouvelle réalité, en opposition à l’abstraction lyrique triomphante. Son inspiration, il la trouve dans la rue, dans le quotidien, dans l’univers urbain, industriel, dans les matériaux modernes. Déjà, le geste est là, déjà la rage et la fougue. Avec ses « Allures-colères », Arman enduit un objet de peinture et le jette sur la toile pour le casser, laissant ainsi les débris s’insérer dans le support. Puis arrive l’ère de l’objet, de l’ustensile usité, du déchet, qui sont pour Arman les marqueurs d’une époque. Manipulé, détourné, trituré, assemblé, travesti, analysé : l’objet est roi. Il apparaît comme une relique, un symbole de la société ou bien il renvoie à l’esthétique et à la culture dadaïstes. Arman écume les poubelles, accumule de vieux rasoirs, des dentiers, des poupées cassées, dans une méticulosité étonnante.
Avec ses « Accumulations », Arman entend perturber notre vision de l’objet. Il choisit des ustensiles manufacturés et en montre la production en séries (masques à gaz, manomètres, pulvérisateurs d’insecticides…). Puis il casse et découpe, toujours avec un mélange de spontanéité et de minutie, il utilise de la résine polyester pour emprisonner les débris de ses colères, brûle des objets, dans un « vandalisme conscient », enferme des instruments de musique dans du béton…
Ces amoncellements d’objets se regardent comme des tableaux. On se prend parfois à les trouver esthétiques. Résolument post-modernes, les actions rageuses d’Arman entendaient provoquer et déranger à l’époque. Mais que reste-t-il aujourd’hui de cette provocation ? Certes, de nombreux artistes contemporains font très souvent référence à Arman, qui a révolutionné la conception de l’art avec une créativité, une radicalité et un aplomb indéniables. Mais, à la relecture de cette œuvre, de cette nouvelle « approche perceptive du réel », l’ennui finit par nous guetter. Arman a fait un système de son geste, de son impulsion et de sa spontanéité. Un systématisme qui rappelle étrangement, chacun dans son genre, les œuvres de Jeff Koons ou de Murakami, glorificateurs des objets du quotidien le plus banal et de la culture populaire, et qui répètent à l’infini dans leurs œuvres les recettes de leurs succès.
Centre Pompidou, tél. 01.44.78.12.33, www.centrepompidou.fr. Tlj sauf mardi, de 11 à 21 heures. Jusqu’au 17 janvier. Catalogue richement documenté, dirigé par Jean-Michel Bouhours, 368 pages, 44,90 euros.
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