Même si l'existence d'un syndrome spécifique reste à démontrer, nombre de combattants de la guerre du Golfe souffrent de troubles divers et d'un sentiment d'affaiblissement de l'état de santé. Des chercheurs britanniques* ont voulu savoir si ce phénomène était propre à la guerre du Golfe et ont fouillé les archives militaires depuis 1872, les dossiers de pension en premier lieu.
Ils ont pu ainsi disposer de données pour six conflits au total : les campagnes victoriennes (1854-1895), la guerre des Boers (1899-1902), les deux guerres mondiales, les conflits en Asie (Malaisie 1948-1960 et Corée 1951-1953) et la guerre du Golfe (1991). Ils exposent leurs résultats dans le « British Medical Journal » du 9 février.
Retenant les 25 symptômes les plus fréquemment observés (difficultés à terminer des tâches, fatigue ou léthargie, dyspnées, anxiété persistante et faiblesse en premier lieu), ils ont pu identifier pour 1 856 sujets trois syndromes postcombat. Tout d'abord, le syndrome de faiblesse motrice (debility) sans symptômes psychologiques ou cognitifs : 847 personnes dont 74 % ayant combattu avant 1918. Ensuite, un syndrome somatique, où dominent les désordres cardiaques fonctionnels, avec tachycardies, dyspnées, fatigue et vertiges : 434 anciens combattants, dont la moitié de la Première Guerre mondiale. Enfin, un syndrome neuropsychiatrique associé à des symptômes physiques (fatigue, maux de tête, dépression, anxiété et troubles du sommeil), un groupe de 575 dans lequel on retrouve plus de 50 % des soldats de la Seconde Guerre mondiale et du Golfe. Mais on retrouve aussi des anciens combattants du Golfe dans le premier groupe et quelques-uns dans le deuxième.
Les variations de ces syndromes sont liées aux connaissances et préoccupations médicales de l'époque, à la nature des combats et à des influences culturelles. D'où, pour les auteurs, les précautions à prendre quand il s'agit de caractériser un syndrome postguerre. « Des syndromes postcombat se sont manifestés après toutes les guerres majeures du siècle dernier, écrivent-ils, et nous pouvons prédire qu'il continueront à apparaître après les conflits à venir. » Soucieux d'économiser les deniers publics, compte tenu des pensions d'invalidité à distribuer et des difficultés à traiter ces troubles, ils plaident pour une nouvelle façon d'envisager le syndrome - et donc de le prévenir : « Non pas comme une unique ou nouvelle maladie mais comme une partie d'un ensemble compréhensible de réactions normales au stress physique et psychologique de la guerre. » Une autre façon de dire que, si la guerre zéro mort est une utopie, la guerre zéro malade l'est encore plus.
* Autour d'Edgar Jones, Department of Psychological Medicine, Guy's, King's and St Thomas's School and Medicine, Londres.
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