Allergie alimentaire et respiratoire

Le syndrome dermatite/eczéma atopique

Publié le 16/11/2004
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Prévalence en forte hausse

La dermatite atopique (DA) ou plutôt le « syndrome dermatite/eczéma atopique » (Aeds dans la terminologie anglo-saxonne) est une dermatose inflammatoire chronique à rechutes, hautement prurigineuse, fréquemment rencontrée dans des familles d'atopiques. Sa prévalence a beaucoup augmenté au cours de ces dernières décennies au point qu'elle est estimée à 20 % chez les enfants vivant dans les pays occidentaux.
L'allergie alimentaire (AA) est, elle aussi, en nette augmentation dans les pays industrialisés et concerne environ 10 % de la population générale.
Le syndrome Aeds affecte environ 8 % des enfants pendant les premières années pour diminuer progressivement chez le grand enfant. Sa prévalence reste stable autour de 2 à 3 %, chez l'adulte.

Aliments

De 30 à 40 % des dermatites atopiques de l'enfant sont liées à une AA contre 20 % chez l'adulte.
Les aliments responsables sont le lait de vache, l'oeuf de poule, l'arachide, le groupe des noix, le blé, le soja, le poisson et les fruits de mer. L'AA est la première manifestation de la « marche atopique », au cours de laquelle de nombreux nourrissons vont présenter un eczéma atopique d'abord lié à des trophallergènes, puis à des aéroallergènes, car la sensibilisation se fait à la fois par la voie digestive cutanée et respiratoire.
Par la suite, les allergènes respiratoires vont prédominer et entraîner le développement d'un asthme et d'une rhinite allergique chez l'enfant plus grand et l'adulte jeune.
L'évolution naturelle de l'allergie alimentaire est un processus dynamique qui diffère pour chaque allergène. La répartition des allergènes alimentaires se modifie avec l'âge. Ceux d'origine végétale prédominent après 6 ans, alors que ceux d'origine animale intéressent plutôt les jeunes populations. La plupart des enfants allergiques aux protéines du lait de vache (Aplv) présentent des symptômes digestifs et cutanés au cours de la première année, souvent dès le premier mois, et vont devenir tolérants vers trois ans.
L'hypersensibilité à l'oeuf de poule apparaît le plus souvent au cours de la deuxième année et dure beaucoup plus longtemps que l'Aplv, avec une tolérance ne dépassant pas 66 % à cinq ans.

Allergie à l'oeuf et asthme

Cet allergène alimentaire - le blanc d'oeuf (ovalbumine) en particulier - est considéré d'abord comme un marqueur précoce de l'atopie, eczéma atopique par exemple, chez le nourrisson qui n'a jamais encore consommé d'oeuf. Cette constatation évoque déjà une sensibilisation anténatale ou par le lait maternel. Un test positif au blanc d'oeuf est considéré actuellement comme un facteur de prédiction d'un asthme à venir vers 4 ans. L'allergie à l'arachide semble persister à l'âge adulte. Cependant, de récentes études ont montré que 20 % des enfants allergiques à l'arachide perdraient leur sensibilité à cet aliment.
Les sensibilisations au blé, aux céréales et au soja, en nette augmentation chez l'enfant après deux ans, sont responsables d'une dermatite atopique persistante, longtemps attribuée à la seule alimentation lactée bovine.
Les nombreuses références citées au cours de cette présentation font état :
- d'une part, d'une prévalence de l'allergie alimentaire entre 30 et 37 % chez des enfants atteints d'eczéma atopique modéré ou sévère dans les pays industrialisés ;
- d'autre part, du rôle important joué par les aéroallergènes dans l'entretien des lésions de dermatite, en particulier, les acariens, les phanères d'animaux et même certains pollens avec positivité d'IgE spécifiques, de tests cutanés prick-tests (PT) et patch-tests (APT). Près de 80 % des enfants atteints de DA se sensibilisent à des aéroallergènes et 75 % d'entre eux signalent des symptômes lors d'une exposition à ces aéroallergènes.
Chez l'adolescent et l'adulte jeune, il existe souvent une exacerbation des lésions. Cette dermatite, qui, souvent, a démarré avant l'âge de 5 ans, se distingue des autres formes par un certain polymorphisme lésionnel. L'atteinte se localise le plus souvent au niveau des plis de flexion, du visage, des paupières et du haut du tronc ; elle a un aspect sec et épaissi, souvent lichénifié. L'atteinte des mamelons est très fréquente. L'eczéma des mains existe chez une grande partie de la population adulte.
Chez l'adulte atteint de DA, les allergènes alimentaires d'origine végétale (fruits et légumes) prédominent par rapport aux produits d'origine animale. Les sensibilisations croisées bien connues entre famille des bétulacées (bouleau, noisetier...) et famille des rosacées (fruits à noyau) peuvent entraîner, chez l'atopique, des manifestations bucco-pharyngées accompagnées de poussées d'eczéma.
L'allergie respiratoire apparaît d'autant plus fréquemment que la dermatite est sévère.

Tests cutanés

Chez tout sujet porteur d'une DA, enfant ou adulte, la pratique des tests cutanés (PT et APT) est indispensable pour les trophallergènes et les aéroallergènes, ainsi que le dosage des IgE totales pour juger de l'importance de l'inflammation, et des IgE spécifiques pour confirmer l'importance de la sensibilisation.
Une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) doit être également pratiquée pour rechercher une hyperréactivité bronchique dont la fréquence au cours de la DA peut varier dans une fourchette très large, de 16 à 100 %.
Ces données confirment l'importance de l'allergie alimentaire et respiratoire dans le syndrome dermatite eczéma atopique.

23e Congrès de l'Eaaci, Amsterdam. D'après les communications de Bodo Niggemann (Berlin, Allemagne) et Carsten Bindlev-Jensen (Danemark).

> Dr PAUL MOLKHOU HOPITAL SAINT-VINCENT DE PAUL, PARIS.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7633