PAR LE Dr ANNE DUCROS*
L'HYPOTHÈSE actuelle fait intervenir un dérèglement aiguë et transitoire du tonus des artères cérébrales, soit spontané, soit secondaire (25-65 %) à la prise de substances vasoactives et/ou au post-partum (1, 2, 4). En France, les deux premières causes sont le cannabis et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (4). Le SVCR peut aussi compliquer certaines affections générales sévères (éclampsie, choc septique) et être alors associé à un syndrome PRES (posterior reversible encephalopathy syndrome), dont le tableau clinique ne peut être distingué d'un SVCR grave, et qui se caractérise par un aspect de leucopathie bilatérale postérieure due à un oedème vasogénique.
Aspects cliniques.
L'âge de survenue moyen est proche de 45 ans. Il existe une prédominance féminine. Les céphalées du SVCR sont des céphalées secondaires symptomatiques, qui n'ont rien à voir avec la migraine, céphalée primaire sans lésion causale sous-jacente. La céphalée est souvent l'unique symptôme (2, 4). Elle est typiquement en coup de tonnerre (CCT), très brutale, maximale en moins d'une minute, et très intense, voire atroce. Les CCT se répètent en salve sur une à quatre semaines. Au cours des CCT, il peut y avoir des poussées hypertensives. Environ 80 % des patients rapportent un ou plusieurs facteurs déclenchants, qui sont à distinguer des causes du RCVS : acte sexuel, Valsalva, émotion, effort, bain ou douche. Certains patients ont une CCT unique et d'autres, une céphalée progressive. La présence de cervicalgies doit faire rechercher une dissection associée.
La fréquence des autres symptômes varie selon le mode de recrutement : déficits focaux transitoires ou persistants de 9 à 63 % et crises comitiales de tous types de 0 à 21 % (2, 4). Les déficits persistants révèlent généralement un AVC. Il peut exister des troubles de conscience.
Le scanner cérébral est le plus souvent normal (85 %) (3, 4). L'IRM est anormale dans près de 30 % des cas (1, 4). L'anomalie la plus fréquente est une hémorragie sous-arachnoïdienne corticale (HSAc) (22 %) (2, 4). Les hémorragies intracérébrales (HIC) peuvent être uniques ou multiples, de volume variable (4). Les infarctus peuvent être uniques ou multiples, souvent de topographie jonctionnelle (1). Dans 10 % des cas, il existe un PRES (4). Les séquences cervicales en FAT/SAT sont utiles pour rechercher une dissection associée (6 %).
L'angiographie montre des rétrécissements et des dilatations segmentaires, sur la circulation antérieure et/ou postérieure (1). L'ARM et l'angioscanner ont une sensibilité incomplète (80 %). L'artériographie conventionnelle est bien plus sensible (100 % par définition), mais peut être normale dans les 4-5 premiers jours. Si la première angiographie est normale, il faut savoir la répéter. D'autres anomalies artérielles peuvent être associées : anévrisme intracrânien non rompu, dysplasie artérielle, et dissection extracrânienne. Le doppler transcrânien (DTC) enregistre une accélération des vélocités intracrâniennes dans plus de 70 % des cas (4). Le liquide céphalo-rachidien est modérément anormal dans plus de 50 % des cas : réaction lymphocytaire (5 à 35 GB/mm3), élévation modérée des GR, hyperprotéinorachie inférieure à 1 g/L.
Évolution clinico-radiologique caractéristique.
Le premier symptôme est généralement une CCT, qui se répète, le dernier accès survenant en moyenne après 7-8 jours (4). Les complications hémorragiques (20-25 %) (HSAc et HIC) et les PRES surviennent au cours de la 1re semaine, alors que les complications ischémiques (5-10 %) (AIT et infarctus) surviennent significativement plus tardivement en moyenne à la fin de la 2e semaine. Ensuite, le tableau se stabilise puis s'améliore. De même, la vasoconstriction peut être invisible initialement (ARM et/ou DTC), puis apparaître ultérieurement. Cette évolution suggère un processus débutant au niveau des petites artères distales puis progressant de façon centripète vers les vaisseaux de plus gros calibre (4).
Le diagnostic doit être systématiquement évoqué chez tout patient ayant des CCT après avoir exclu les autres causes, mais aussi devant une HSA non anévrismale et/ou un AVC cryptogénique. L'élément crucial est la démonstration de la réversibilité des anomalies artérielles dans les douze semaines (1). Il pourrait cependant y avoir des cas de régression spontanée plus lente.
Toute CCT doit être explorée en urgence car 50 % environ révèlent une affection sous-jacente le plus souvent vasculaire (5). La première cause à chercher est l'HSA, par un scanner sans injection, suivi d'une PL si le scanner est normal. Dans nombre des autres causes (thrombose veineuse cérébrale, dissection, apoplexie pituitaire…), le scanner et la PL peuvent être normaux, ce qui implique la réalisation systématique d'une IRM avec ARM et veinographie (5).
Dans certaines formes sévères de SVCR, le diagnostic différentiel doit se faire avec une angéite cérébrale, notamment une angéite primitive du système nerveux central (APSNC) (1). Plusieurs éléments orientent vers une APSNC : le tableau clinique s'installe insidieusement avec une céphalée progressive, suivie de déficits focaux ; l'IRM cérébrale est bien plus souvent anormale (90 vs 30 %) avec de multiples infarctus d'âges différents ; le LCR est inflammatoire (> 95 %) ; enfin, l'artériographie est fréquemment normale dans l'APSNC alors qu'elle est, par définition, toujours anormale dans le SVCR. Certains aspects sont évocateurs d'APCNS : sténoses artérielles irrégulières et asymétriques ou occlusions multiples. Dans l'éventualité où le diagnostic demeure hésitant, il peut être préférable d'instaurer une corticothérapie et d'attendre quelques jours ; les vasospasmes du RCVS vont s'améliorer rapidement, alors que les irrégularités de l'APCNS vont persister. Le traitement immunosuppresseur devrait être réservé aux patients ayant une biopsie leptoméningée démontrant une vascularite, qui par définition est absente au cours du SCVR (2).
Le traitement comporte des antalgiques, des antiépileptiques, et parfois une surveillance en soins intensifs. Il est indispensable d'arrêter toutes les substances vasoactives et de conseiller l'éviction définitive. Si les CCT apparaissent à l'effort, un repos de plusieurs jours est nécessaire. Le traitement empirique repose sur la nimodipine (1, 3), administrée dès la suspicion du diagnostic, parfois par voie intraveineuse, puis poursuivi per os quatre à huit semaines. Si les CCT semblent le plus souvent cesser en 48 à 72 heures, des AIT ou des infarctus sont survenus chez des patients traités depuis plusieurs jours (4).
Le pronostic dépend de la survenue d'AVC (HIC + infarctus) dont la fréquence est < 10% dans les deux séries prospectives (3, 4). Cependant, des cas mortels ont été publiés. Les récidives sont possibles, mais leur taux est inconnu.
* Centre d'urgences céphalées, hôpital Lariboisière, Paris (1) Calabrese LH et al. Narrative review: reversible cerebral vasoconstriction syndromes. Ann Intern Med 2007; 146: 34-44.
(2) Hajj-Ali RA et al. Benign angiopathy of the central nervous system: cohort of 16 patients with clinical course and long-term followup. Arthritis Rheum 2002; 47: 662-9.
(3) Chen SP et al. Recurrent primary thunderclap headache and benign CNS angiopathy: spectra of the same disorder? Neurology 2006; 67: 2164-9.
(4) Ducros A et al. The clinical and radiological spectrum of reversible cerebral vasoconstriction syndrome. A prospective series of 67 patients. Brain 2007; 130: 3091-101. Epub 2007 Nov 19.
(5) Schwedt TJ et al. Thunderclap headache. Lancet Neurol 2006; 5: 621-31.
Critères diagnostiques
(adaptés des critères diagnostiques de l'International Headache Society pour l'« angiopathie cérébrale aiguë bénigne » et des critères proposés en 2007 par Calabrese et coll.)
-------------------------Céphalée aiguë et sévère (souvent en coup de tonnerre), isolée ou associée à des déficits neurologiques focaux ou à des crises comitiales.
Évolution clinique d'un seul tenant, sans nouveaux symptômes apparaissant au-delà d'un mois après le début.
Vasoconstriction segmentaire des artères cérébrales démontrée par une angiographie conventionnelle ou non invasive (ARM, angioscanner).
Exclusion d'une hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d'anévrysme.
Liquide céphalorachidien normal ou modérément anormal (protéinorachie < 1 g/L, leucocytes < 15 par mm3, glycorachie normale).
Disparition des anomalies artérielles démontrée par une deuxième angiographie conventionnelle ou non invasive, faite dans les douze premières semaines.
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