ON LA SURNOMME « le gardien du génome » car elle joue un rôle clé dans la détection et la réparation des lésions de l'ADN qui conduisent à la transformation tumorale de nos cellules. Mais plus le temps passe et plus on découvre de nouvelles fonctions à la protéine p53. L'été dernier, une équipe espagnole démontrait que p53 possède une activité antivieillissement (voir « le Quotidien » du 22 octobre 2007). Aujourd'hui, des chercheurs américains révèlent que la protéine participe en outre à la reproduction des mammifères, en régulant l'expression d'un cytokine nécessaire à la nidation des embryons.
Arnold Levine et ses collaborateurs de l'Institut du cancer du New Jersey ont mis ce phénomène en évidence dans le modèle expérimental de la souris, mais certaines données suggèrent que le rôle de p53 dans la nidation serait conservé chez l'humain. Un polymorphisme particulier du gène p53 est en effet associé à une fréquence anormalement élevée de fausses couches liées à une dysfonction du processus de nidation.
Cette découverte pourrait aboutir à la mise au point de traitements de l'infertilité se fondant sur l'administration de molécules capables de renforcer l'activité utérine de p53. Elle pourrait aussi déboucher sur le développement d'une nouvelle stratégie contraceptive, passant par l'inhibition de la nidation.
Le rôle de p53 dans la nidation.
L'équipe de Levine a identifié le rôle de p53 dans l'implantation embryonnaire en étudiant des souris génétiquement modifiées pour ne pas exprimer le suppresseur de tumeur. Ces animaux meurent prématurément de cancer, mais leur développement est parfaitement normal. La seule anomalie observée chez ces souris, avant qu'elles ne commencent à présenter de multiples tumeurs, concerne uniquement les femelles : leur fertilité est très faible. En transférant des embryons produits in vitro dans l'utérus de ces animaux, les chercheurs ont pu établir que le problème est lié à une altération des mécanismes autorisant l'implantation des blastocytes dans la cavité utérine. Mais comment p53 agit-elle sur la nidation ?
Pour que l'implantation d'un embryon puisse avoir lieu, l'utérus doit subir diverses modifications visant à le rendre « réceptif » aux blastocytes. Ces modifications sont induites et régulées par les hormones ovariennes estrogène E2 et progestérone P4. De nombreux facteurs de croissance et des cytokines produites localement participent également au phénomène.
Parmi ces cytokines, le LIF (leukaemia inhibitory factor) est celle qui est la plus fortement exprimée au moment de l'implantation. Sa présence est absolument requise pour que la nidation puisse se produire.
La surexpression du gène Lif.
Levine et son équipe ont imaginé qu'il pouvait y avoir un lien entre l'activité de la protéine p53 et celle du LIF dans l'utérus des souris. La protéine p53 étant un facteur de transcription, les chercheurs ont fait l'hypothèse qu'elle devait participer aux mécanismes conduisant à la surexpression du gène Lif, nécessaire à la préparation de l'utérus.
Diverses expériences menées in vitro dans des cellules en culture ont permis de confirmer cette théorie : la protéine p53 régule l'expression du gène Lif. Chez les souris qui n'expriment pas le suppresseur de tumeur, la quantité de LIF produite dans l'utérus est divisée par un facteur 4 et une injection locale de cytokine suffit à rétablir une fertilité normale.
La nature précise des mécanismes par lesquels p53 contrôle l'expression du gène Lif reste à préciser, mais cette régulation est visiblement indirecte. Si l'expression du gène Lif dans l'utérus est fluctuante, celle de p53 semble en effet constante avant, pendant et après l'étape de nidation.
W. Hu et coll., « Nature » du 29 septembre 2007, pp. 721-724.
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