L'OBJECTIF de la recommandation de la HAS est d'informer les différents intervenants des modalités du suivi (néphrologue, médecin généraliste et tous les spécialistes…) qui vont, tout au long de la vie du patient greffé, être amenés à assurer une partie du suivi médical, que ce soit dans le cadre du suivi programmé ou en cas de complications liées à la greffe ou de maladie intercurrente. Une étroite collaboration avec le centre de transplantation est nécessaire. La recommandation précise les modalités et les bases médicales de ce suivi partagé regroupé en quatre documents disponibles sur le site de la HAS : « Synthèse des recommandations » (5 pages), « Calendrier de suivi » (2 pages), « Recommandations » (28 pages), « Argumentaire » (169 pages).
Un suivi prolongé et multidisciplinaire.
«Alors que, il y a encore quelques années, le suivi des transplantés rénaux était presque exclusivement assuré par le centre de transplantation, l'amélioration des résultats, la diminution de la fréquence des rejets et, ainsi, la prolongation de la survie des patients porteurs d'un greffon fonctionnel ont rendu impératif un suivi prolongé et, de fait, un suivi partagé… Ce suivi, après la phase initiale, se poursuit, axé principalement sur l'émergence des complications à long terme de la transplantation, qu'elles soient liées aux traitements immunosuppresseurs, à l'insuffisance rénale préalable à la greffe ou à la dysfonction chronique du greffon», note le Dr Chantrel.
La recommandation de la HAS (1) précise, d'une part, l'organisation de ce suivi et, d'autre part, l'ensemble des modalités pratiques. Ainsi, le néphrologue qui partage le suivi du patient avec le centre de transplantation doit disposer des informations sur ce patient, ses antécédents, les événements depuis la transplantation, les traitements, les pathologies associées… En retour, il doit informer le centre de transplantation des bilans réalisés entre les visites, dont le rythme varie en fonction de la période de greffe, de la présence ou non de complications ou de difficultés d'observance.
La recommandation détaille le calendrier du suivi clinique et paraclinique, ainsi que les circonstances qui motivent le recours au centre de transplantation, ou tout du moins un contact informatif avec celui-ci (voir encadré).
Même si la crainte principale du médecin et du patient transplanté reste le risque de survenue d'un rejet et de perte du greffon, le suivi du transplanté rénal doit aussi (et de plus en plus) s'attacher à dépister les différentes complications. Celles-ci sont liées, d'une part, aux antécédents d'insuffisance rénale et, d'autre part, aux complications de la transplantation et du traitement immunosuppresseur. « Les atteintes cardio-vasculaires sont particulièrement fréquentes chez ces patients ; elles sont la cause principale de mortalité des patients transplantés », souligne le Dr Chantrel. Il est donc nécessaire de traiter efficacement l'ensemble des facteurs de risque cardio-vasculaire : l'HTA, avec une cible de pression artérielle de 130/80 mmHg ; les anomalies lipidiques, avec une cible de LDL cholestérol < 1g/l ; l'obésité aggravée par la corticothérapie ; les anomalies glucidiques et le diabète posttransplantation particulièrement fréquents chez ces patients, etc.
Une surveillance cardiologique annuelle est recommandée chez ces sujets.
Des risques multiples.
Les patients transplantés doivent également bénéficier d'un suivi carcinologique attentif en raison d'un risque accru de certaines affections malignes, au premier rang desquelles figurent les cancers cutanés, dont le risque est multiplié par 100. Un examen dermatologique spécialisé est recommandé dans les six premiers mois suivant l'intervention, puis une fois par an. Deux autres cancers doivent être recherchés systématiquement : les cancers urologiques par un bilan morphologique annuel (échographie ou scanner), et les lymphomes liés à l'EBV, qui peuvent survenir précocement, mais aussi tardivement. Pour les autres cancers, même si leur fréquence est supérieure à la population générale, leur dépistage est identique à celui proposé dans la population générale.
Le suivi osseux doit également être rigoureux en raison des risques particulièrement accrus liés à la présence préalable d'une ostéodystrophie rénale et, dans une moindre mesure, des risques liés à la corticothérapie. Celle-ci tend à diminuer ces dernières années avec, simultanément, une diminution du risque de survenue d'ostéonécrose de la tête fémorale. Une densitométrie osseuse est recommandée six mois après la transplantation, dont les résultats sont à comparer à ceux antérieurs à la greffe. Elle est ensuite répétée tous les deux ans.
Le greffé rénal est aussi exposé à un risque infectieux important, lié à l'immunosuppression. La recommandation passe en revue les différentes infections non spécifiques ou spécifiques de la transplantation rénale comme l'infection à BK virus. Celle-ci, via la néphropathie à BK virus, entité relativement récente et peu connue des non-transplanteurs rénaux est responsable de la perte de fonction rénale chez un pourcentage croissant de transplantés. Les infections plus classiques (CMV, herpes simplex virus, papillomavirus…) sont aussi discutées : leur mode de détection, de prophylaxie et le traitement qui n'est pas l'objet de la recommandation.
Les modalités des traitements.
La HAS argumente également les modalités d'utilisation des traitements immunosuppresseurs, anciens et nouveaux tels que les anticalcineurines (tacrolimus et ciclosporine), les inhibiteurs de mTOR (sirolimus Rapamune et everolimus Certican), mais aussi les interférences médicamenteuses les plus fréquentes avec ces molécules. «Cet argumentaire met à jour les principales complications à court, moyen et long terme et la justification dans leur détection ou suivi. Ainsi, il pourra, je l'espère, servir non seulement de recommandation, mais aussi de base documentaire pour informer l'ensemble des praticiens amenés à traiter des patients transplantés», a conclu le Dr François Chantrel.
* D'après un entretien avec le Dr François Chantrel, néphrologue, centre hospitalier de Colmar, cochargé avec le Dr Marc Bouiller, néphrologue, centre hospitalier Le Puy-en-Velay du projet HAS :
« Suivi ambulatoire de l'adulte transplanté rénal au-delà de trois mois après transplantation ». (1) www.has-sante.fr.
Quand contacter le centre de transplantation ?
Le médecin doit contacter le centre référent devant des signes cliniques (fièvre non expliquée ou non rapidement résolutive, hématurie ou oligurie, troubles digestifs pouvant être responsables de modification des dosages sanguins des traitements), en cas d'élévation significative de la créatinémie, d'anémie, de leucopénie, de thrombopénie ou d'augmentation de la protéinurie. De la même façon, toute modification thérapeutique doit être l'objet d'une réflexion centrée sur les interactions, nombreuses avec les traitements immunosuppresseurs. «En effet, explique le Dr Chantrel, les traitements immunosuppresseurs ont un index thérapeutique étroit, toute interférence médicamenteuse est donc susceptible d'avoir des conséquences graves. Ainsi, par exemple, les macrolides augmentent le taux de ciclosporine avec un risque de néphrotoxicité. Inversement, les inducteurs enzymatiques, comme les barbituriques, diminuent le taux de ciclosporine exposant le patient au risque de rejet. Certaines statines, quant à elles, peuvent entraîner un surdosage en ciclosporine. Ainsi, un changement d'une statine à l'autre, qui pourrait paraître anodin, est susceptible d'avoir des conséquences néfastes sur le greffon rénal...»
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