Il est vrai qu’on parle beaucoup moins du VIH que dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. La maladie s’est en quelque sorte banalisée. Sa prise en charge doit également évoluer.
Mieux impliquer la médecine de ville
La prise en charge du VIH demeure encore très hospitalière. Elle devrait impliquer davantage la médecine de ville. C’est la préconisation d’un récent consensus formalisé « prise en charge de l’infection par le VIH en médecine générale et en médecine de ville » adopté par la Société française de lutte contre le sida (SFLS) et la Société de pathologie infectieuse de langue française. Qu’en est-il sur le terrain ?
« Certes, la prise en charge du VIH existe, mais elle est le fait d’un petit groupe de médecins. Il s’agit de ceux qui se sont impliqués parmi les premiers. La part des autres professionnels de santé de ville nous paraît même extrêmement faible », regrette Dr Denis Lacoste, président de la Corevih Aquitaine et président de la SFLS, qui accueillait ce premier forum.
Constat pour le moins paradoxal, alors que la chronicisation de la maladie plaide au contraire pour un meilleur partage de la prise en charge entre la ville et l’hôpital. Les raisons de cette situation sont multiples et complexes : difficultés d’accès aux soins pour une population souvent vulnérable, complexité des traitements, difficultés de formation, absence de relève par les jeunes générations, etc.
Chacun s’accorde pourtant à dire que le médecin généraliste (MG) doit occuper une place privilégiée en termes de prévention, d’information et d’accompagnement. Il doit être également le premier prescripteur de dépistage dont on sait l’importance, quand 30 % des personnes porteuses du virus l’ignorent. L’infirmière libérale doit, quant à elle, avoir un rôle privilégié dans l’aide à l’observance et l’éducation thérapeutique.
Cette bascule vers la ville n’est pas chose facile car, contrairement à la ville, l’hôpital offre la présence dans un même lieu d’équipes stables et soudées, comme le fait remarquer le Dr Bernard Couadou, MG, pionnier de la prise en charge en ville qui a une file active d’une trentaine de patients.
« Un rééquilibrage en faveur de la ville ne doit pas, pour autant, entraîner une altération de la qualité des soins », avertit Marie-Pierre Leclerq (Aides, vice-présidente du Corevih) en faisant remarquer qu’en zone rurale, les MG n’ont pas souvent la formation nécessaire.
En tout cas, dans la vraie vie, le patient circule entre la ville et l’hôpital et « il faut mieux gérer ces va-et-vient et organiser un suivi alterné » comme le dit le Dr Noëlle Bernard, présidente du réseau Gironde du VIH.
S’il est un domaine dans lequel le secteur de ville a toute sa place c’est bien celui de l’éducation thérapeutique.
L’éducation thérapeutique (ET) : une reconnaissance réelle
« Le sujet n’est pas récent, mais le voilà revenu au premier plan avec la loi HPST », observe Noëlle Bernard, très tôt engagée sur les programmes Ciel Bleu puis Temps clair, avec le concours de GSK.
« L’éducation thérapeutique, ce n’est pas que le traitement », martèle la présidente du réseau VIH/Gironde. L’objectif, c’est la qualité de vie globale du patient. Comment les choses se déroulent-elles en pratique. « Sur les 30 à 50 patients qui fréquentent quotidiennement l’hôpital de jour VIH à l’hôpital Saint-André (Bordeaux), il y a quelques cas dans lesquels une ET sera proposée : premier contact, échec de traitement, accidents d’exposition », indique le Dr Mojgane Hessamfar. Cette éducation thérapeutique est assurée par du personnel infirmier. Une fois le « diagnostic éducatif » effectué, le relais est souvent pris par des associations de patients, des MG ou des professionnels spécialisés comme les psychologues.
Assez curieusement, la loi HPST ne parle que des professionnels de santé. Est-ce à dire que les associations de patients en seront exclues ? Qui financera les programmes, quand on sait que jusqu’ici les financements sont surtout venus de l’industrie pharmaceutique ? Comment motiver les professionnels et les patients, dans un contexte de difficultés démographiques pour les uns et de précarité sociale pour les autres. Les questions ne vont pas manquer dans le futur.
En attendant, la plupart des Corevih se sont mises en action sur tous ces sujets… celui d’Aquitaine en est un des meilleurs exemples.
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