JUSQU'AU 6 AVRIL 2008, l'espace Science actualités de la Cité des sciences de la Villette, dans la capitale, montre « Le suicide en face ». Il s'agit d'une exposition, qui entend faire comprendre au public les multiples enjeux du suicide. Elle a été conçue avec l'appui, notamment, des Drs Michel Debout et Xavier Pommereau, psychiatres, des biologistes Axel Kahn et Jean-Claude Ameisen, de Marie Choquet, épidémiologiste (INSERM), et du sociologue Christian Baudelot.
Elle donne à voir des photographies de Gilbert Garcin, qui se met en scène lui-même dans des décors de fin de vie, et de Gilles Favier, qui délivre des messages en forme d'appel au secours dans un univers urbain et jeune. Ailleurs, trois artistes, une romancière, un vidéaste et un photographe, tentent de saisir l'empreinte laissée par un suicidé sur ses proches. Des peintures évoquent le thème de la disparition. Des films ouvrent les portes d'un centre de prise en charge de jeunes suicidants à Poissy (Yvelines), de la Chine, où l'on découvre pourquoi les femmes des campagnes se donnent davantage la mort que les hommes, puis de la Suisse, l'un des rares Etats au monde qui légalise le suicide chez les personnes âgées atteintes de maladies incurables. Pour sa part, le visiteur est convié à témoigner et à livrer son point de vue. Commun à toutes les sociétés depuis les temps les plus reculés, le suicide revêt différentes valeurs. Dans l'Antiquité, sous l'Empire romain, l'acte est légitime et célébré. Par la suite, les premiers conciles chrétiens appellent l'Eglise à tourner le dos aux suicidés, alors que ces derniers sont loués comme «martyrs de la foi» par quelques groupes islamistes radicaux. Dans la civilisation japonaise, le seppuku, suicide rituel par hara-kiri, réhabilite l'honneur perdu. En Chine, en Inde ou en Afghanistan, des femmes mariées de force choisissent d'en finir avec la vie pour échapper aux mauvais traitements infligés par leur belle-famille.
Comprendre une identité blessée, bafouée.
En France, il faut attendre 1996 pour que le suicide devienne une priorité nationale de santé publique, et 1998 pour le lancement du premier programme de prévention. C'est chez les jeunes que la prophylaxie a été la plus bénéfique, avec une baisse des décès entre 1995 et 2005 de 28 % chez les moins de 25 ans et de 44 % entre 25 et 29 ans. Des études récentes suggèrent que des facteurs biochimiques et génétiques, impliqués notamment dans la régulation du taux de certains neurotransmetteurs, pourraient rendre plus vulnérables au suicide.
Au pays de Descartes, la fin de vie est strictement réglementée. La loi du 9 juin 1999 vise à garantir un accès aux soins palliatifs et un accompagnement pour tout malade en phase terminale. Quant à la législation du 22 avril 2005 (loi Leonetti), elle donne la possibilité au médecin d'éviter l'acharnement thérapeutique et d'intensifier le traitement de la douleur, même si cela a pour effet d'accélérer la mort. En Belgique, aux Pays-Bas ou dans l'Oregon, aux Etats-Unis, l'assistance au suicide est tolérée. Et, dans ces pays, 75 % des candidats au suicide assisté reviennent finalement sur leur décision. «La mort programmée vaut pour les cellules: celle pour les suicidants n'est pas programmée, c'est une fuite», dit Axel Kahn. Cette «impossibilité de se vivre demain», selon l'expression de Michel Debout, renvoie toujours «chez l'adolescent à des facteurs de risque, avec des indicateurs très précoces, comme des troubles du sommeil, de l'appétit, un état de fatigue, et souvent plusieurs de ces problèmes cumulés», rapporte Marie Choquet. Pour Xavier Pommereau, tendre la main à une personne suicidaire c'est «essayer de comprendre avec elle pourquoi elle a une identité blessée, bafouée, reniée à tort ou à raison et comment faire pour qu'elle puisse s'approprier en quelque sorte une identité, une place, une position dans la société». Chaque année, on compte un million de décès par suicide dans le monde et 10 700 en France.
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