Le succès d'une prise en charge associant psychothérapie et antidépresseurs

Publié le 11/09/2001
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L' ETUDE ESPACE a été initiée par Ardix Médical en février 1997. Grâce à la collaboration de 288 psychiatres libéraux, 868 patients âgés de 18 à 60 ans, majoritairement de sexe féminin, ont été inclus dans cet essai multicentrique contrôlé. Ils présentaient un épisode dépressif majeur (isolé ou récurrent), avec un score de dépression supérieur ou égal à 20 sur l'échelle MADRS, non traité et nécessitant un traitement associant psychothérapie et antidépresseur. La prise en charge psychothérapeutique était soit médico-psychologique (MP), soit cognitivo-comportementale (CC), soit d'inspiration psychanalytique (IP) (lire encadré). Le traitement pharmacologique reposait sur la prise d'un antidépresseur : tianeptine (T) versus fluoxétine (F).

Le principal objectif de cette étude était avant tout d'identifier des facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique d'un patient déprimé à une prise en charge psychothérapeutique associée à un médicament antidépresseur.

Des critères d'évaluation

Les principaux critères d'évaluation pendant l'étude ont été le score de l'échelle de dépression MADRS et le score de la gravité de la maladie de l'échelle CGI (évalué au début de l'étude, à un mois, trois mois puis six mois) ainsi que les autoquestionnaires suivants :
- un questionnaire d'adaptation sociale permettant de qualifier la manière dont le patient s'est senti au cours des deux dernières semaines dans son travail, sa vie quotidienne, sa vie de famille ;
- l'échelle CISS qui évalue ce que le patient fait et/ou ressent habituellement face à de nouvelles situations, d'incidents ou de périodes de stress important ;
- les questionnaires Big-Five et D.5.D. qui définissent les principaux traits de personnalité ;
- un questionnaire de satisfaction qui donne la possibilité au patient de dire ce qu'il a pensé du traitement prescrit.
Aucune différence significative d'efficacité n'a été notée entre les trois modes de prise en charge psychothérapeutique. Quelle que soit la psychothérapie envisagée, l'efficacité et la tolérance des deux antidépresseurs, tianeptine ou fluoxétine étaient similaires selon les scores MADRS et CGI avec une réduction de 64 % du score total MADRS et une amélioration sur le score de la CGI pour 78 % des patients.

Des facteurs prédictifs positifs et négatifs

Les principaux facteurs prédictifs de réponse positive à une prise en charge associant antidépresseur et psychothérapie étaient les suivants :
- le sexe féminin ;
- un niveau socioprofessionnel élevé ;
- la qualité de la relation médecin/patient.
Inversement, l'âge, l'existence d'antécédents de dépression, d'antécédents psychiatriques et de tentatives de suicide, le nombre d'épisodes dépressifs antérieurs, d'antécédents familiaux de troubles psychiatriques, la notion de maladie somatique concomitante étaient des facteurs prédictifs de réponse négative.
A noter que certains traits de la personnalité mis en évidence grâce au questionnaire Big-Five (stabilité émotionnelle, introversion, agréabilité, consciencieux, ouverture) étaient corrélés positivement ou négativement à l'amélioration de la dépression.

(1) Avec la participation des Drs Suzanne et Aspe.

Trois modes de prise en charge psychothérapeutique

Les trois modes de prises en charge psychothérapeutique préconisés dans cette étude sont ceux qui sont le plus souvent utilisés en France.
- Médico-psychologique
Cette démarche psychothérapeutique s'apparente au soutien psychologique et se fonde principalement sur l'empathie, la réassurance, l'explication et la suggestion. Le médecin laisse parler le patient et prend en compte sa souffrance, sans manifester une neutralité détachée ni une implication émotionnelle trop marquée. L'examen clinique initial insiste sur l'analyse sémiologique, l'histoire de la maladie et les antécédents. Le traitement médicamenteux est la base du traitement.
- Cognitivo-comportementale
La prise en charge cognitivo-comportementale explique la maladie et le traitement au sujet. Elle est fondée sur une alliance entre le malade et le médecin, appuyée sur le dialogue et la collaboration.
Par opposition aux thérapies analytiques, la thérapie cognitivo-comportementale ne s'intéresse pas aux origines inconscientes des troubles. Elle vise à rendre au patient la maîtrise de ses fonctionnements psychiques et à remplacer des programmes mentaux erronés, générateurs de symptômes, par de nouvelles représentations mieux adaptées et plus performantes.
Ce traitement est le plus souvent de courte durée (quelques mois).
- Inspiration psychanalytique
La thérapie psychanalytique, suscite une interrogation sur le sens des symptômes par rapport à l'histoire personnelle.
Elle est basée sur les travaux de Freud, repose sur l'idée que l'accès du patient déprimé à la compréhension et à la reviviscence des conflits infantiles non résolus va permettre de modifier la structure névrotique sous-jacente et d'améliorer de façon durable ses difficultés.
L'objectif de cette thérapie est donc d'élucider des conflits inconscients, de renforcer le Moi, et de faciliter les réajustements et réaménagements dans la vie quotidienne du patient déprimé.

Dr Pierre CONSTANT Dr P. C.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6965