UN TOURNANT décisif dans la prévention du cancer du col de l'utérus est pris. Au début de l'automne, le congrès annuel de la Société américaine de pathologie infectieuse à San Francisco l'a confirmé en rapportant les résultats très positifs d'un vaccin tétravalent contre les papillomavirus de type 6, 11, 16 et 18. Ils ont été constatés au cours de l'étude FUTURE II (Female United To Unilaterally Reduce Endo/ecto cervical disease) menée avec Gardasil (Laboratoires Sanofi-Pasteur MSD).
Les données présentées concernent la phase III de l'étude. Il s'agit d'un essai prospectif, mené en double aveugle contre placebo, chez 12 167 femmes âgées de 16 à 26 ans. Elles sont été recrutées dans quatre-vingt-dix centres en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud.
La moitié de ces volontaires ont reçu trois injections de la préparation vaccinale à J0, 2 et 6 mois. Ici, l'objectif était de contrôler l'incidence de lésions cervicales prénéoplasiques, conséquences des infections par le papillomavirus.
Une protection à 100 %.
Une analyse perprotocole a mesuré l'incidence des frottis localisés CIN 2/3 et des cancers non invasifs chez les femmes qui ont bénéficié du protocole complet et qui n'ont pas été infectées par un HPV16 ou 18. Les résultats ont été remarquables, avec une protection à 100 % de la population vaccinée. Au bout de dix-sept mois, aucune femme n'a présenté de lésions dans ce groupe, alors qu'elles étaient vingt et une parmi celles ayant reçu le placebo.
Une seconde analyse a été réalisée, menée, cette fois, en intention de traiter. Les résultats sont, ici encore, très satisfaisants. Chez l'ensemble des participantes, qu'elles aient ou non respecté le protocole de l'étude, qu'elles aient ou non été infectées par un HPV16 ou 18, au bout de deux ans, Gardasil a réduit de 97 % les risques de survenue de lésions CIN 2 ou 3 et de cancer non invasif. Dans le groupe des femmes vaccinées, une seule lésion a été relevée, contre trente-six dans le groupe placebo.
Des essais de phase II avaient déjà mis en évidence, après vaccin tétravalent, une réduction de 90 % des infections persistantes associées aux HPV, ainsi que des infections des maladies génitales associées (CIN, cancer du col et condylomes).
Croisée pour les types 31, 52 et 45.
Au 13e Congrès européen sur le cancer (Ecco 13), les Laboratoires GSK ont rapporté, pour leur part, les résultats d'un essai mené auprès de 1 113 femmes âgées de 15 à 25 ans. Les deux particularités de leur préparation vaccinale sont de ne viser que les HPV16 et 18, et surtout de comporter un adjuvant original, baptisé AS04. Chez les jeunes femmes vaccinées, la protection conférée a été de 100 %. Elle semble même croisée pour les types 31, 52 et 45. Des essais à venir devraient porter sur une fourchette d'âges s'étendant de 10 à 55 ans.
Alors que les HPV sont impliqués dans la quasi-totalité des lésions cancéreuses cervicales, les sérotypes 16 et 18 en assument, à eux deux, la responsabilité dans 70 % des cas. Cette affection occupe le deuxième rang dans les affections néoplasiques de la femme entre 15 et 44 ans. Une fois acquise la notion de protection vaccinale, le protocole va devenir un second centre d'intérêt. La vaccination universelle des jeunes filles avant le risque de contact au papillomavirus, c'est-à-dire avant les premiers rapports sexuels, devrait prendre tout son sens. Elle pourrait enrayer, tout au moins réduire, l'incidence de ces cancers. Cette proposition en implique une seconde. Elle concerne la protection des femmes à travers le monde. De fait, son impact serait encore plus spectaculaire dans des pays où le dépistage du cancer du col par frottis est pratiquement inexistant. Mais comment y rendre ce vaccin accessible et y envisager des vaccinations de masse ?
Enfin reste à évoquer la durée de la protection vaccinale. Les essais n'offrent pour l'instant qu'un recul maximal de quatre ans. Et que proposer comme stratégie de rattrapage pour les femmes qui ont déjà une vie sexuelle ?
Immunothérapie réussie chez l'animal
En début d'année, une équipe de chercheurs de l'Institut Pasteur (Paris) annonçait la guérison, chez l'animal, de tumeurs équivalentes au cancer cervical humain. Ce résultat avait été obtenu avec un candidat vaccin contre le HPV de type 16.
La préparation vaccinale reposait sur une protéine de Bordetella pertussis couplée génétiquement à la protéine oncogène E7 du papillomavirus de type 16. Une seule injection a suffit à entraîner la régression de la tumeur, modèle du cancer du col, chez les rongeurs.
Des résultats similaires ont été obtenus avec une préparation vaccinale ciblant le HPV 18. Des essais cliniques sont attendus pour 2006.
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