In great stress
Le mot « stress » est attesté en anglais depuis les années 1300. Selon le « Oxford English Dictionary », ce terme apparaît une première fois sous la plume du poète Robert Mannyng de Brunne dans un livre, Handlyng Synne, qui traite des péchés. Le poète y décrit le peuple de Dieu qui erra quarante ans dans le désert, « in great stress ». Le mot anglais stress s'est développé à partir du mot distress (détresse), tout en étant influencé par le vieux français « estrece » (étroitesse, oppression).
Ce n'est que dans les années 1940 et 1950 que le « stress » apparaît dans le langage et de la biologie et de la psychologie. Le terme est employé en 1942 dans la revue « Endocrinology » (XXXI, 420) (« le cortex surrénale s'hypertrophie quand l'animal normal est soumis au stress »).
On relève aujourd'hui une certaine ambiguïté sémantique. Premièrement, le mot stress désigne la situation ou l'événement qui perturbe le fonctionnement physiologique ou psychologique normal de l'individu, ou qui menace son homéostasie ; il s'agit alors des facteurs de stress. Deuxièmement, ce terme désigne par extension la réponse de l'organisme aux circonstances stressantes. A côté du mot anglais, on peut trouver dans les textes médicaux allemands le terme « belastung » (charge).
En médecine
La découverte du stress en médecine.
Le stress a été défini comme une menace pour l'homéostasie de l'individu. Le concept d'homéostasie a été introduit en 1932 par Walter B. Cannon (1871-1945), professeur de physiologie à l'université de Harvard. Cannon relate dans son autobiographie comment il vint en France en 1917 comme membre d'une unité médicale envoyée par son université, la Harvard Medical Unit, où il se consacra à l'étude du choc chez les grands blessés. Dans un livre publié en 1919 - Bodily changes in pain, hunger, fear and rage - Cannon montre que la réponse somatique aux émotions soudaines s'accompagne d'une sécrétion par les glandes surrénales. Il démontre que ces glandes intervenaient lors des réponses urgentes aux menaces vitales, dans le but de maintenir les différents équilibres physiologiques de l'organisme.
Hans Selye (1907, à Komárom en Hongrie, 1982) fut le premier à élaborer un concept général du stress en médecine. Il décrivit dans un volumineux ouvrage (1) la réponse de l'organisme au stress sous le nom de syndrome d'adaptation général (SAG) (General Adaptation Syndrome). Selon Selye, le syndrome est « général » car il est provoqué par des facteurs de stress affectant une grande partie du corps (comme le froid, la fatigue, les infections, les intoxications, etc.) ; la réponse est également généralisée car les mécanismes de défense impliquent tout l'organisme. Le syndrome sert à « l'adaptation » puisqu'il permet à l'organisme d'acquérir et de maintenir un état d'habituation au facteur de stress. Enfin, il s'agit bien d'un « syndrome », dont les différents éléments (hypertrophie cortico-surrénale, involution du thymus, ulcères gastro-intestinaux) sont coordonnés et interdépendants. Selye décrivait l'évolution du SAG en trois phases successives : la réaction d'alerte, la phase de résistance et l'épuisement final. Lors de la phase d'alerte, le facteur de stress entraîne un syndrome de choc, soudain et général, touchant tous les systèmes, auquel succède un « contre-choc » avec une hypertrophie cortico-surrénale et une involution aiguë du thymus et du système lymphatique. Durant la phase de résistance, l'organisme fait preuve d'une meilleure résistance spécifique au facteur de stress causal, mais la résistance croisée aux autres stimuli baisse. Dans la phase d'épuisement, on observe une chute de la résistance spécifique et de la résistance croisée, l'individu ne pouvant pas se maintenir indéfiniment dans un état de résistance.
Après un demi-siècle, certaines des observations physiologiques de Selye paraissent démodées. On peut avoir l'impression que l'auteur cherche à expliquer les perturbations de systèmes physiologiques très divers par un modèle unique qui devient un lit de Procuste. De même, certaines digressions philosophiques de Selye nous semblent aujourd'hui un peu obsolètes.
Stress post-traumatique
Selye s'intéressait essentiellement aux facteurs de stress somatiques et physiques, plutôt qu'aux aspects psychologiques. Dans le domaine de la psychiatrie, le premier ouvrage consacré spécifiquement au stress semble être le livre « Men under Stress », publié en 1945 par Roy R. Grinker et John P. Spiegel (2). Les auteurs décrivent les réactions aiguës et différées au stress du combat observées chez 65 membres de l'armée de l'air américaine ; comme cela était habituel à l'époque, les références théoriques sont essentiellement psychanalytiques. A la suite des troubles psychologiques observés chez près d'un quart des vétérans américains de la guerre du Vietnam, l'état de stress post-traumatique devint un diagnostic psychiatrique à part entière avec la publication du DSM-III en 1980 (3e édition du manuel diagnostique de l'association américaine de psychiatrie).
(1) H. Selye, « The physiology and pathology of exposure to stress. A treatise based on the concepts of the General-Adaptation-Syndrome and the diseases of adaptation », Montreal, Canada : Acta Inc., Medical Publishers ; 1950.
(2) R.-R. Grinker, J.-P. Spiegel, « Men under Stress », Philadelphia, Pa. : Blakiston ; 1945.
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