Le stress social majorerait les conséquences d'un accident vasculaire cérébral

Publié le 10/09/2001
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I L est une idée répandue dans l'opinion publique : le stress est un important facteur étiologique d'AVC. Il est vrai que quelques études et quelques observations ont suggéré un lien entre le stress émotionnel et l'AVC. Toutefois, selon d'autres observations, il n'en est rien.

Il faut dire qu'il n'est pas simple de faire la différence entre l'influence du stress sur l'AVC et l'influence de l'AVC sur le stress.
Quoi qu'il en soit, des travaux chez l'animal et chez l'homme ont suggéré que les concentrations de glucocorticoïdes jouent un rôle sur l'évolution d'un AVC. Ces hormones - le cortisol chez l'homme et la corticostérone chez le rat - sont élevées dans les situations de stress. De plus, chez le rat soumis à une ischémie cérébrale, l'administration de corticostérone accroît le volume de l'infarctus cérébral, alors que la suppression pharmacologique ou chirurgicale de cette hormone est neuroprotectrice.

Le lien entre l'hormone de stress et bcl-2

Il est une autre molécule qui joue sur le devenir d'un AVC : c'est le proto-oncogène bcl-2, qui a été largement étudié dans ce domaine. Une expression accrue de bcl-2 favorise la survie cellulaire et protège contre l'apoptose et la nécrose cellulaire dans de nombreuses conditions neurodégénératives ; en cas d'ischémie, l'expression de bcl-2 est accrue autour de la zone infarcie ; la diminution de l'expression de bcl-2 accroît la taille l'infarctus tandis que des traitements stimulant son expression sont neuroprotecteurs.
On ne connaît pas l'influence du stress sur l'expression de bcl-2 dans le cerveau. En revanche, on sait que l'activation du récepteur aux glucocorticoïdes supprime l'expression de bcl-2. Ce qui suggère que le stress peut altérer l'expression de bcl-2 dans le cerveau et, donc, exacerber l'ischémie. Il fallait y voir plus clair ; ce qui a conduit des Américains et des Australiens à voir si l'effet du stress sur l'évolution d'un AVC passe par une action sur bcl-2.
Pour cela, chez des souris mâles soumises à un AVC expérimental (occlusion de l'artère cérébrale moyenne), les chercheurs ont étudié les effets de l'intimidation et du stress sur la production de bcl-2 et sur la perte neuronale. Dans une première expérience, ils ont donc étudié l'effet du stress social chronique sur l'expression de bcl-2 dans l'AVC induit. Dans une deuxième, ils ont cherché à savoir : 1) si l'exposition au stress social accroît le volume de l'infarctus ; 2) si l'augmentation de l'expression de bcl-2 (souris transgéniques) exerce une protection contre le stress sur la taille de l'infarctus.
Les résultats sont les suivants.
Premièrement, l'ARNm du bcl-2 dans l'hémisphère ischémié était plus bas chez les animaux soumis à un stress que chez les souris non stressées.
Deuxièmement, le stress social aggrave nettement la taille de l'infarctus chez les souris sauvages mais pas chez les souris transgéniques (ayant une expression de bcl-2 majorée).
Troisièmement, l'élévation de la corticostérone, constatée chez tous les animaux, était associée à un infarctus de grande taille chez les souris sauvages mais pas chez les souris transgéniques. Ainsi, l'hyperexpression de bcl-2 a un effet protecteur contre les effets néfastes des taux post-ischémiques de corticostérone.

L'infarctus du myocarde aussi ?

« Prises ensemble, ces données démontrent qu'un stress social pré-AVC compromet sérieusement un mécanisme endogène moléculaire de neuroprotection et suggèrent une nouvelle cible pour le traitement de l'AVC », estiment les auteurs.
« Par un mécanisme similaire, le stress pourrait influencer l'évolution d'autres maladies ischémiques comme l'infarctus du myocarde, qui sont connues pour être sensibles au stress et influencés par l'expression de bcl-2 », concluent-ils.

Courtney DeVries et coll., « Proc Natl Acad Sci USA ».

Dr Emmanuel de VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6964