LES ETUDES de psychoneuro-immunologie conduites ces trente dernières années ont montré que les stress psychologiques sont capables d'influencer - par le biais notamment des systèmes nerveux et endocriniens - le système immunitaire, autrefois supposé autonome.
En raison de la petite taille des études et de leur méthodologie variable, il devenait nécessaire de synthétiser quantitativement ces trente années de recherche pour consolider la connaissance.
Deux psychologues américains ont répondu à ce besoin en conduisant une métaanalyse de près de 300 études qui ont été publiées à ce jour sur la relation entre le stress psychologique et l'immunité. Au total, près de 19 000 individus ont participé à ces études, de tous âges, mais principalement jeunes (âge moyen : 35 ans), et plus souvent en bonne santé que malades.
Cette métaanalyse instructive de Suzanne Segerstrom (University of Kentucky) et Gregory Miler (University of British Columbia) est publiée dans le « Psychological Bulletin » de l'American Psychological Association.
Les événements stressants ont été classés en cinq catégories :
- aigu : stress expérimental en laboratoire (discours publique, calcul mental, par exemple) ;
- bref, en environnement naturel : un challenge court de la vie réelle (examen académique, par exemple) ;
- séquence d'événements stressants : un événement central, comme la perte d'un époux ou une catastrophe naturelle, produit une série de stress, mais avec le sentiment que cela ne durera pas indéfiniment ;
- chronique : envahit la vie de la personne, la forçant à restructurer son identité ou son rôle social, avec l'incertitude sur la possibilité d'une amélioration (traumatisme invalidant, prise en charge d'un époux dément, chômage, ou réfugié expatrié par une guerre, par exemple) ;
- distants : expérience traumatique dans le passé, aux séquelles cognitives et émotionnelles durables (agression sexuelle dans l'enfance, prisonnier de guerre, par exemple).
Immunité naturelle ou spécifique.
Les psychologues ont examiné les effets des événements stressants sur les divers paramètres de la réponse immune, en distinguant l'immunité naturelle de l'immunité spécifique.
L'immunité naturelle, on le sait, produit une réponse rapide et non spécifique qui est médiée par les granulocytes (neutrophiles et macrophages) producteurs de l'inflammation (substances toxiques, cytokines), les mastocytes et éosinophiles (défense antiparasite et allergie), les cellules tueuses naturelles (lyse des cellules étrangères ou malignes et limitant au début les infections virales) et les protéines du complément.
L'immunité spécifique, une réponse plus lente, mais plus efficace, est médiée par les cellules T helper (production de cytokines Th1 ou Th2), les cellules T cytotoxiques (lyse des cellules infectées par les virus ou des cellules malignes) et les cellules B (productrices d'anticorps contre les bactéries et parasites).
Les résultats de la métanalyse confirment l'association entre les événements stressants et des modifications du système immunitaire ; ces modifications dépendent de la nature et de la durée du stress.
Ainsi, les événements stressants aigus (quelques minutes), qui produisent une réponse de « combat ou fuite », sont associés à une stimulation de l'immunité naturelle, avec préparation adaptative à une éventuelle infection ou blessure, tandis que certaines fonctions de l'immunité spécifique sont supprimées.
Les stress courts (examen, par exemple) tendent à supprimer l'immunité spécifique cellulaire (Th1) tout en préservant l'immunité spécifique humorale (Th2).
Pour une séquence stressante, le deuil est associé à une baisse de la cytotoxicité des cellules tueuses naturelles (expliquée par une élévation du cortisol), tandis que le traumatisme est associé à une baisse des cellules T périphériques.
Plus vulnérables.
Les stress les plus chroniques sont associés à l'immunosuppression la plus globale (cellulaire et humorale). Ainsi, la prolongation du stress « fait déplacer les modifications potentiellement adaptatives vers des modifications potentiellement délétères (initialement dans l'immunité cellulaire, puis dans la fonction immune plus large) », notent-ils.
En outre, l'âge ou la maladie sont associés à une perte d'autorégulation du système immunitaire qui nous rend « plus vulnérables aux effets immunologiques négatifs du stress ».
« Psychological Bulletin », publié par l'American Psychological Association, 5 juillet 2004.
Deux questions
Des recherches supplémentaires sont nécessaires, concluent les auteurs, pour examiner deux questions. Celle de savoir si l'expérience subjective (le souci, par exemple) est plus importante que l'expérience objective. Et déterminer si ces modifications d'immunité liées au stress se traduisent effectivement en maladies liées au stress.
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