P53 EST UN régulateur de la multiplication et de la survie de cellules qui est rendu inactif, par des mutations, dans de nombreux cancers. Il pourrait donc devenir un indicateur précieux dans le choix d'un traitement par chimiothérapie. Les cancers du sein forment un groupe hétérogène de tumeurs, avec des réponses très différentes aux traitements d'un cas à l'autre. La plupart des patientes reçoivent une chimiothérapie, mais, après un traitement néoadjuvant, une réponse pathologique complète (disparition des cellules invasives dans les prélèvements tissulaires) est enregistrée chez moins de 20 % d'entre elles.
La découverte de critères moléculaires permettant de distinguer les différents types de tumeurs et d'associer chacun d'entre eux à un traitement particulier représente l'un des objectifs majeurs de la recherche dans ce domaine. L'identification d'un marqueur prédictif de la réponse est une avancée importante.
«Seule une minorité de patientes bénéficie complètement des protocoles de chimiothérapie actuellement utilisés», notent Philippe Bertheau et coll.
Rôle crucial dans la modulation de la réponse.
Dans les études sur des lignées cellulaires animales, on a déjà observé que la protéine tumorale p53 joue un rôle crucial dans la modulation de la réponse à des drogues génotoxiques. p53 est un gène activé en réponse à des altérations de l'ADN. Il déclenche l'apoptose ou l'arrêt du cycle cellulaire.
Les cancers du sein dans lesquels p53 porte une mutation sont associés en règle générale à un mauvais pronostic. Est-ce le reflet d'une mauvaise réponse au traitement ou d'une plus grande agressivité de la tumeur ?
Les chercheurs dirigés par Hugues de Thé et Philippe Berteau ont cherché la réponse en analysant 80 cancers du sein, non inflammatoires, traités par chimiothérapie néoadjuvante (préalable au traitement chirurgical).
Des diagnostics ont été réalisés sur les biopsies avant le traitement, et on a notamment recherché l'existence d'une mutation sur p53. Les patientes ont été traitées par six cycles d'épirubicine + cyclophosphamide (à raison d'un cycle tous les 14 jours). Une mastectomie a été réalisée ensuite.
Il y a eu quinze réponses complètes, qui toutes ont été observées dans le groupe des 28 patientes porteuses d'une mutation tumorale. Dans ce groupe de 28 patientes, il y avait 10 tumeurs classées comme hautement agressives. On constate que 9 parmi ces 10 patientes ont présenté une réponse complète. On trouve donc deux facteurs prédictifs d'une réponse complète : le sous-type anatomopathologique de base et le statut vis-à-vis de p53.
L'analyse génétique a identifié de nombreux gènes mutants associés à p53 : CDC20, TTK, CDKNA2A et le gène de cellules souches PROM1. Mais elle n'a pas permis d'identifier un profil transcriptionnel (les ARN) associé à une réponse complète dans le groupe des tumeurs mutantes pour p53.
Surmonter le pronostic défavorable.
Chez les patientes dont les tumeurs n'ont pas répondu au traitement, un statut de p53 muté semble être prédictif d'une survie totale significativement plus courte. Les 15 patientes ayant répondu au traitement, alors qu'elles présentaient une mutation sur p53, et qui ont eu une évolution favorable, indiquent que la chimiothérapie pourrait surmonter le pronostic défavorable généralement associé au statut comportant un p53 muté.
L'étude montre donc que, dans les cancers du sein non inflammatoires, le statut vis-à-vis de p53 représente un facteur clé de la réponse au protocole de chimiothérapie associant épirubicine + cyclophosphamide. En retour, cette chimiothérapie pourrait être particulièrement indiquée dans les cancers du sein ayant une mutation sur p53 et, en particulier, ceux qui ont le profil anatomopathologique de base.
Ces résultats obtenus par des chercheurs français sont le fruit de presque dix ans de travail soutenus par des associations : Ligue contre le cancer, ARC, ainsi que le Programme hospitalier de recherche clinique (Phrc).
« PLoS Medicine », mars 2007, vol. 4, n° 3, publication en accès libre sur le site : http://medicine.plos.journal.org.
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