CETTE ETUDE américano-vénézuélienne a été menée sur un ensemble de fratries comprenant au total plus de 18 000 personnes apparentées à des sujets atteints de la maladie de Huntington (voir encadré).
Reste maintenant à caractériser ces modulateurs génétiques et environnementaux. Lorsque que cette démarche aura abouti, même partiellement, on pourra peut-être développer des stratégies visant à retarder au maximum l'apparition des troubles provoqués par la maladie de Huntington.
Cette maladie neurodégénérative a pour origine une mutation génétique dominante constituée par l'expansion d'un triplet de nucléotides (le triplet CAG) sur le chromosome 4, au niveau du premier segment codant du gène de la huntingtine.
Le nombre de triplets.
Tant que le nombre de triplets CAG présents dans le gène de la huntingtine reste égal ou inférieur à 34, la protéine produite n'est pas dangereuse et l'individu porteur de tels allèles est parfaitement sain. Si le nombre de triplets est compris entre 35 et 39, l'allèle possède une pénétrance incomplète : les individus qui portent un allèle de ce type risquent de développer la maladie, mais ils ne la développeront pas obligatoirement. En revanche, les sujets porteurs d'un allèle contenant au moins 40 répétitions CAG sont certains de développer la maladie, à moins qu'ils ne meurent avant l'apparition des premiers symptômes.
L'âge auquel surviennent les premières manifestations de la maladie est très variable, mais il dépend essentiellement du nombre de répétitions CAG dans le gène de la huntingtine : plus les répétitions sont nombreuses et plus la maladie est précoce. Cependant, des individus portant exactement les mêmes allèles du gène de la huntingtine peuvent déclarer la maladie à des âges différents. Cette observation a suggéré que des facteurs indépendants du gène de la huntingtine devaient influencer la progression de la maladie. L'étude de Wexler et coll. vient de confirmer l'existence de tels facteurs. Les chercheurs ont analysé les données génétiques et cliniques de près de 4 000 individus à haut risque de maladie de Huntington appartenant à 82 familles vénézuéliennes. Ils ont défini l'âge moyen d'apparition de la maladie en fonction des allèles de la huntingtine que portaient ces individus. Ils ont ensuite recherché des facteurs indépendants du gène de la huntingtine pouvant expliquer les variations de cet âge.
Dans la population étudiée, les sujets chez lesquels la maladie se déclare précocement (avant 20 ans) portent un allèle de la huntingtine comprenant de 43 à 86 triplets CAG. Les malades dont les premiers symptômes sont observés entre 21 et 50 ans présentent entre 40 et 58 répétitions du triplet. Enfin, les individus qui déclarent la maladie après 50 ans possèdent entre 40 et 45 triplets CAG.
Des facteurs familiaux.
Dans les sous-groupes de malades possédant des allèles du gène de la huntingtine identiques, Wexler et coll. ont réussi à démontrer que 84 % des variations de l'âge au moment duquel la maladie démarre sont liées à des « facteurs familiaux ». Des gènes (différents de celui de la huntingtine) contribueraient à 40 % des variations. Les 60 % restants seraient attribuables à des facteurs environnementaux partagés par les membres d'une même famille.
Si la maladie de Huntington garde son étiologie monogénique, il apparaît désormais que d'autres gènes et l'environnement sont capables d'agir sur son expression phénotypique.
Wexler et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org.
La famille de Maria Conception
Sur les 18 149 personnes recensées dans des fratries vénézuéliennes touchées par la maladie de Huntington, 14 761 appartiennent à une seule et même famille. Cette famille a été identifiée dans les années 1950 par un médecin vénézuélien, Americo Negrette. Tous ses membres descendraient d'une femme prénommée Maria Conception qui vivait au début du XIXe siècle dans un village sur pilotis des Pueblos de Agua. Maria Conception serait morte de la maladie de Huntington et ses « mauvais gènes » se transmettent depuis maintenant dix générations. Le génome de ses descendants actuels est très hétérogène en raison des nombreuses unions entre vénézuéliens d'origine hispanique, marins européens et marchands nord-américains qui ont eu lieu au cours des deux derniers siècles.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature