THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
I L y a immédiatement une athmosphère. Immédiatement on est dans un monde un peu forain et populaire qui dit Tour de France et fête sympathique. Pourtant le petit podium qui tient lieu de seul élément de décor, avec ici des trophées, là une chaise pour que le champion-interprète se repose parfois, là encore un poste de télévision qui servira de temps en temps, n'est pas encore déployé. Mais que Jacques Bonnaffé surgisse, qu'apparaisse son partenaire dans cette belle célébration de la langue, le compositeur et virtuose de la trompette Eric Le Lann, et nous voici dans un grand déploiement de mots, de silence, de souffle.
C'est le texte de Pouy qui est la matière de ce spectacle. Bonnaffé le dit, le vit, le scande, le respire. Pouy est homme de style. Ses mots sont mimétiques de l'effort qu'il raconte. L'échappée d'un obscur dans une étape du tour de France, l'échappée d'un homme qui rêve qu'il va gagner une étape, qui est soutenu en cela par son suiveur en voiture, et qui, au moment où il produit l'ultime et héroïque effort, est sommé de laisser gagner quelqu'un d'autre.
C'est la grandeur des cyclistes. Mais c'est la beauté d'un texte aussi que servent Bonnaffé, Le Lann et Philippe Duquesne, invité surprise, par écran interposé, et qui apporte la cocasserie d'un savoir aussi sérieux qu'absurde.
Peut-être que Jacques Bonnaffé est un peu trop, au début du spectacle surtout, dans le mouvement même d'un champion sur son vélo. Question de réglage de mise en scène. Mais, on est pris par la force de l'interprète, sa légèreté, sa profondeur. Il y a une lumière en Bonnaffé. Quelque chose de frais, de franc, de fraternel qui est un cadeau pour qui l'écoute, l'observe. Il y a en lui, qui dort sous le texte, une fantaisie qui n'explose qu'en regards et intonations qui s'envolent comme volutes légères.
En costumes sombres, Le Lann et Bonnaffé se répondent. Jamais la musique n'est paraphrase du texte. Elle le dilate, elle le creuse, elle l'amplifie. Il faut aimer la langue pour apprécier cette prouesse verbale. Il faut aimer les poètes. Et si l'on rit souvent, si l'on admire les interprètes et le « héros » qu'ils servent, on a aussi le cœur serré. Car il s'agit d'une tragédie.
Théâtre de la Bastille, à 21 heures du mardi au samedi, à 17 heures le dimanche (01.43.57.42.14). Jusqu'au 28 juin. Durée : 1 h 30 sans entracte. Le texte a été publié par l'Atalante.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature