« La Russie est comme un théâtre », dit-on dans « l'Arche russe ». Alexandre Sokourov, qui explore l'Histoire dans d'étonnantes métaphores (récemment « Moloch » et « Taurus »), en fait un film qui a pour cadre le musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, installé dans le palais d'Hiver construit par Pierre le Grand et fondé par Catherine II.
Pas n'importe quel film, représentant une prouesse technique et artistique sans précédent : un seul plan, filmé en temps réel dans les dédales du palais et des salles qui abritent les plus belles toiles, pour évoquer trois siècles d'histoire.
Le réalisateur, né en Sibérie en 1951 et installé à Saint-Pétersbourg depuis 1980, se défend pourtant d'être un novateur. « Je n'ai jamais eu envie d'inventer quelque chose de nouveau. L'idée de faire un très long plan-séquence existe depuis des années. Je n'innove jamais. » Il est en tout cas le premier à le réaliser, après des mois de répétition et grâce à un équipement technique de pointe (dont une SteadyCam spécialement conçue). Un millier de figurants, l'équivalent de 33 plateaux de tournage, trois orchestres et des complications en tous genres pour donner à la création artistique une dimension qu'elle a rarement au cinéma : le souffle. « Je voulais tenter une coopération naturelle avec le temps, vivre cette heure et demie comme si ce n'était que la durée séparant l'inspiration de l'expiration d'un souffle », explique encore Sokourov.
Qu'on ne s'attarde pas cependant sur le tour de force. Le souffle que le réalisateur fait passer, c'est celui de l'histoire russe, que l'on revit non par ses grandes scènes mais par quelques tableaux vivants, très vivants : Pierre le Grand poursuit un général avec un fouet, Catherine II cherche un endroit pour se soulager pendant la répétition d'une de ses pièces, l'ambassadeur de Perse rend visite à Nicolas Ier, la famille du dernier tsar prend tranquillement son dîner, des centaines de danseurs valsent au cours du dernier grand bal impérial en 1913...
Nous avons deux guides pendant cette visite pas comme les autres de l'un des plus beaux musées du monde : un réalisateur contemporain, en voix off, et un diplomate français du XIXe siècle, qui ne cessent de se chamailler, le second dénigrant les Russes, copieurs selon lui des Européens, y compris dans leurs erreurs.
On peut compter sur Sokourov pour ne pas respecter l'ordre chronologique, mêler personnages d'aujourd'hui et d'hier, y compris l'actuel directeur de l'Ermitage. Mais il se fait davantage pédagogue que dans ses précédents films et a la bonté de nous expliquer ce que nous ignorons de l'histoire russe (beaucoup de choses). Et ce qu'il dit de l'art et du passé, non sans humour, nous parle à tous.
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