On se souvient de l’arrêt, en mars 2006, d’une étude de phase I pour des suites graves après injection d’un « superagoniste », destiné à stimuler directement les cellules T (« le Quotidien » des 20 mars et 14 avril). L’accident a soulevé des questions éthiques sur l’utilisation des volontaires humains et a conduit les autorités de santé à s’interroger sur l’encadrement (« le Quotidien » du 22 mars).
Cette semaine, Ganesh Suntharalingam et coll. publient la description du sort de ces six volontaires parmi huit.
Le superagoniste testé, un anticorps monoclonal humanisé anti-CD28, est nommé TGN 1412 (et aussi SuperMab, développé par le laboratoire allemand TeGenero). On connaît l’aptitude du système immunitaire à assurer une défense contre des pathogènes extrêmement variés, sans répondre aux antigènes du soi. Les processus de l’activation des cellules T et de la tolérance du soi représentent des cibles tentantes pour une manipulation par des médicaments, à laquelle beaucoup d’équipes s’intéressent, avec des résultats divers.
Le 13 mars dernier, six des huit volontaires de l’essai de phase I ont dû être hospitalisés d’urgence en soins intensifs, quatre-vingt-dix minutes après avoir reçu une dose intraveineuse de TGN 1412. Les patients souffrent d’hypotension, avec une vasodilatation, de céphalées, de nausées, de myalgies diffuses, d’une diarrhée profuse et d’un érythème cutané. On diagnostique, dans le contexte, une réponse inflammatoire systémique au produit, caractérisée par une induction rapide de cytokines pro-inflammatoires.
Dans les douze à seize heures qui ont suivi la perfusion, leur état est devenu critique : infiltrat pulmonaire et dépression respiratoire, défaillance rénale et Civd (coagulation intravasculaire disséminée).
Déplétion des lymphocytes et des monocytes.
La biologie accuse alors en vingt-quatre heures une déplétion inattendue et sévère des lymphocytes et des monocytes.
Tous ont dû recevoir à l’hôpital une réanimation cardio-pulmonaire intensive, comportant une dialyse, de la méthylprednisone à haute dose et un anticorps antagoniste du récepteur de l’IL2.
Un choc cardio-vasculaire prolongé est survenu chez deux patients, avec un syndrome de détresse respiratoire aigu. Ces deux personnes sont demeurées sous assistance respiratoire respectivement pendant 8 et 16 jours.
Malgré des signes manifestes d’un syndrome de libération massive de cytokines – on a parlé de « tempête de cytokines » –, c’est-à-dire d’une décharge massive de molécules pro-inflammatoires, les six patients ont survécu.
L’activation des cellules T nécessite deux signaux délivrés par les cellules présentatrices de l’antigène : un antigène présenté sous la forme de peptide lié aux molécules de l’histocompatibilité et un signal dit de « costimulation », en conjonction avec l’antigène, qui recrute des récepteurs de costimulation sur la membrane cellulaire.
C’est le potentiel thérapeutique de la manipulation de la voie de la costimulation qui était testé dans l’essai. Il reste à savoir pourquoi le TGN 1412 a activé les effecteurs pathogènes des cellules T chez les humains et non chez les murins, «et à mieux explorer les activités de ces voies en phase préclinique.»
« New England Journal of Medicine » ; 355 ; 10, 7 septembre 2006, pp. 1018-1028. Editorial pp. 1060-1061 ; commentaire, pp. 973-974.
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