Mieux informer sur les troubles du sommeil
Le vendredi 21 mars, 38 centres de sommeil se mobiliseront pour permettre au public de s'informer et de dialoguer avec des spécialistes du sommeil.
Les insomniaques ont deux à trois fois plus d'accidents de voiture que la population générale et les personnes qui souffrent d'apnée du sommeil multiplient ce risque par six.
Risques accrus d'infarctus, d'hypertension artérielle, troubles de l'humeur, fatigue chronique : les conséquences des troubles de sommeil sont nombreuses. Pourtant, le problème reste encore largement sous-estimé par les pouvoirs publics, les médecins et les patients eux-mêmes. La journée de sommeil du 21 mars devrait permettre de sensibiliser le grand public.
Bien qu'ils ne soient pas encore largement connus du public, les 38 centres de sommeil qui existent en France sont déjà débordés. Les patients doivent attendre six mois pour obtenir une consultation dans un centre spécialisé dans la prise en charge des troubles du sommeil et de six mois à un an pour bénéficier d'une polygraphie. On estime que seulement 10 % des personnes souffrant d'apnées du sommeil et de 10 à 15 % des personnes atteintes de narcolepsie ont bénéficié d'un diagnostic.
Le réseau Morphée
Comme pour d'autres pathologies, les spécialistes du sommeil souhaitent donc, en guise de solution, mettre en place des logiques de réseaux, en instituant des intermédiaires entre l'hôpital et la ville. Dans l'ouest parisien, le réseau Morphée a pour objectif de faciliter la prise en charge des personnes souffrant de troubles chroniques su sommeil en aidant les médecins à mieux diagnostiquer et en facilitant l'accès des patients aux soins. Dans ce dispositif, les différents médecins du patient travaillent ensemble grâce à un dossier médical partagé et informatisé. Un médecin coordinateur sert de lien entre les différents intervenants.
« Ce système permet de soigner plus vite et mieux les patients qui ont des troubles du sommeil, souligne le Dr Sylvie Royant-Parola, présidente du Syndicat de la médecine du sommeil et de la vigilance (ISV). Jusqu'à présent, le médecin généraliste était plutôt démissionnaire dans ce genre de troubles. Le réseau lui permet également d'avoir une formation pratique pour savoir repérer les types d'insomnies et comment bien utiliser les hypnotiques. »
Le spécialiste est impliqué dans les pathologies plus complexes ou nécessitant un bilan spécialisé.
« Les centres de sommeil permettent une grande possibilité d'exploration par des examens de nuit, des bilans psychologiques et cognitifs, des tests de vigilance. Mais on ne peut pas se contenter d'un diagnostic sans suivi, d'où l'intérêt de créer un véritable réseau de correspondants », analyse le Dr Marie-Françoise Vecchierini, vice-présidente de la Société française de recherche sur le sommeil (SFRS).
Chez les personnes âgées, un enregistrement du sommeil peut aussi être réalisé quand le patient se plaint d'une modification importante de son rythme veille-sommeil. Les spécialistes utilisent alors un « actimètre », appareil que l'on porte au poignet et qui permet d'étudier pendant plusieurs semaines les rythmes circadiens du patient. Cette technologie plus légère permet des enregistrements à domicile.
Information du public sur le site : www.journéesommeil.com. Au programme de la journée du sommeil, selon les sites, possibilité de dialoguer avec les médecins spécialistes du sommeil, visites de laboratoire du sommeil, conférences et expositions.
Un retentissement sur le travail et la sécurité des salariés
La dette de sommeil a des conséquences très importantes sur les patients qui souffrent de troubles du sommeil. Une réalité qui n'est pas toujours réellement prise en compte par les entreprises.
L'explosion de la navette Challenger, l'accident de l'« Exxon Valdes », la catastrophe de Tchernobyl : autant d'événements tragiques dans lesquels le manque de sommeil aurait joué un rôle non négligeable, en provoquant une baisse de vigilance des techniciens face aux systèmes d'alerte.
En outre, on estime à 15 % la proportion des accidents de la route causés par la somnolence. Le même facteur intervient dans 30 % des accidents où il y a des tués. Ces accidents impliquent souvent des poids lourds dont les chauffeurs sont soumis à des rythmes de travail qui ne correspondent pas aux rythmes biologiques naturels. « Il est très difficile de faire comprendre aux entreprises que la rentabilité passe aussi par une meilleure prise en charge du sommeil », estime le Pr Mollard, directeur du laboratoire d'anthropologie appliquée de l'université Paris-V.
La dette de sommeil des salariés a des conséquences non seulement sur la sécurité, mais sur la productivité à cause du risque d'erreur, de l'anxiété, de l'irritabilité et le manque d'initiative qu'elle entraîne. Soixante-dix pour cent des salariés en travail posté ont des troubles du sommeil. Les horaires décalés ne peuvent pas être adoptés sans une réflexion sur l'organisation du sommeil. « Dans le cas du problème de somnolence et de fatigue des pilotes de long-courriers, on s'est presque uniquement préoccupé des questions de temps de vol mais pas de la façon dont les navigants doivent gérer leur sommeil pendant le trajet et en escale », explique le PrMollard.
Un colloque à Paris
Pour débattre de toutes ces questions, l'association Sommeil et santé et le DESS Ingénierie des ressources humaines (IRH) organisent un colloque intitulé « Sommeil et travail », les 21 et 22 mars à l'université Paris-V René-Descartes. La première journée a pour objectif de contribuer à la réflexion sur les problèmes du sommeil et de la vigilance au travail en termes de prévention et de productivité. Elle s'adresse aux professionnels de la santé au travail, aux directeurs des ressources humaines, aux élus, aux représentants des organisations syndicales patronales et salariales, aux sociologues et aux ergonomes. Le Dr Françoise Delormas, directrice de Prosom, interviendra sur les aspects médicaux et physiologiques, tandis que Jean-Louis Carpentier, codirecteur du DESS IRH de Paris-V, rappellera les obligations juridiques des entreprises pour la santé et la sécurité des salariés. La seconde journée est ouverte au grand public et sera présidée par André Olivier, président de l'association Sommeil et santé.
Renseignements et inscription www.sommeil.asso.fr et www.dessirh.org.
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