EN FRANCE, LES MEDECINS généralistes se sont fait une place au soleil.
Le dernier rapport annuel du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) sur la démographie médicale (au 1er janvier 2003) le confirme : l'opposition Nord/Sud (Ile-de-France mise à part), qui caractérise la répartition géographique des 206 466 médecins en activité, est « très nette » en ce qui concerne les omnipraticiens, tandis que les spécialistes se concentrent surtout « dans les départements sièges des CHU ».
Les 105 392 omnipraticiens métropolitains recensés à la fin de 2002, qui représentent la moitié du corps médical (52 %), sont très inégalement répartis au niveau régional, départemental et même cantonal. La Provence-Alpes-Côte d'Azur a une densité de généralistes « une fois et demie supérieure » à celle du Centre, selon l'Ordre.
Dans les départements, si la densité moyenne d'omnipraticiens actifs s'élève à 171 pour 100 000 habitants, elle grimpe à 337 à Paris (où un grand nombre pratique une médecine à exercice particulier ou MEP) et à 336 en Guyane. La densité des généralistes se situe bien au-dessus de la moyenne nationale, entre 209 et 239 praticiens pour 100 000 habitants dans quelques départements : Haute-Vienne, Hauts-de-Seine, Gironde, Haute-Garonne, Corse-du-Sud et les départements de la frontière sud de la France. Hormis trois départements d'outre-mer (la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe avec respectivement 43, 53 et 122 praticiens pour 100 000 habitants), les plus faibles densités de généralistes sont enregistrées dans l'Ain (129), l'Eure (130), la Meuse (131), la Mayenne (132), l'Aube (135), le Cher, la Sarthe (137), la Saône-et-Loire et l'Eure-et-Loir (139).
« Ces disparités tiennent avant tout à la liberté de choix du lieu d'installation des médecins, rappelle l'étude de l'Ordre, dans un contexte où les outils de régulation disponibles (numerus clausus et concours de l'internat) portent sur les effectifs globaux et ne permettent pas d'assurer une répartition homogène des médecins sur le territoire. »
Conditions de vie plutôt que réussite financière.
Pour remédier aux disparités géographiques de la démographie médicale et des généralistes en particulier, le rapport Descours a suggéré l'an dernier diverses mesures incitatives dont certaines ont été reprises dans le projet de loi Gaymard en discussion à l'Assemblée (voir ci-dessous). Mais l'institution ordinale ne considère pas les mesures financières comme la panacée. Elle rappelle que son précédent état des lieux montrait que « le choix du canton d'installation portait plus sur les conditions de vie et le niveau d'équipement (distance d'accès aux services : école...), les contextes démographique (croissance démographique) et socio-économique (chômage, revenu...) que sur des raisons purement financières (le revenu espéré par le médecin) ; les médecins exerçant dans les cantons moins attractifs ayant des honoraires supérieurs aux autres ». Un constat confirmé par un travail de synthèse récent de l'Ocde, qui révèle que les incitations économiques « jouent un rôle plus faible » que la nationalité et la région d'origine du médecin, son sexe, sa spécialité et son lieu de stage, ainsi que ses conditions de vie et d'exercice.
Enfin, souligne l'Ordre, « une étude du Centre de sociologie et de démographie médicale (Cssdm a mis en avant le fait que, la question du seuil financier à partir duquel l'incitation peut jouer reste floue, alors que le danger de l'effet d'aubaine demeure important ».
Par ailleurs, l'Ordre martèle une fois de plus, dans son introduction, que le numerus clausus (nombre d'étudiants admis en 2e année de médecine) devrait être « réévalué entre 7 000 et 8 000 », alors que le gouvernement l'a relevé à 5 550 seulement en 2004 (+ 9 %). Il redoute qu'on creuse « le déficit déjà important qui va se manifester à partir des années 2008-2010 » (et dès maintenant dans certaines spécialités), compte tenu des 10 à 14 années nécessaires à la formation initiale. L'Ordre tire la sonnette d'alarme car « la diminution du "potentiel de production de soins" risque d'être plus que proportionnelle à la diminution des effectifs du fait, d'une part, de la féminisation et du vieillissement de la profession médicale et de la tendance à la réduction du temps de travail, et d'autre part, de l'accroissement de la demande potentielle de soins corrélativement au vieillissement de la population ».
Enfin, l'Ordre estime que les pouvoirs publics doivent tenir compte, pour fixer le numerus clausus, des étudiants qui ne terminent pas leurs études, de l'aspiration d'une partie des médecins à se reconvertir à la médecine salariée, et du phénomène de cessation d'activité temporaire ou définitive avant l'âge de la retraite. Autant de problèmes que les transferts de compétences vers des professionnels non médecins ne sauraient compenser, selon lui.
206 466 médecins actifs
Au 1er janvier 2003, l'Ordre a recensé 206 466 médecins actifs en France (dont 201 354 en métropole, en hausse de 1,3 % par rapport à 2002) et 34 772 retraités. En métropole, 52 % des actifs sont généralistes, contre 48 % de spécialistes.
• Modes d'exercice : libéral (54 %), salarié exclusif (38 %) et mixte (8 %).
• Densité : 327 praticiens libéraux pour 100 000 habitants (environ 171 pour les généralistes et 155 pour les spécialistes).
• Age moyen : 47 ans (44,9 pour les femmes et 48,3 pour les hommes), tous médecins confondus, et 34,1 au moment de leur inscription au tableau de l'Ordre.
• Féminisation : encore faible au total (37,9 %), le taux de femmes croît dans les classes d'âges jeunes (56,4 % des moins de 35 ans et 64 % des étudiants de première année). Selon une étude de la Drees (ministère), elles travaillent environ 6 heures de moins par semaine que les hommes.
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