LA CONVENTION MÉDICALE de 2005, qui a mis en musique la réforme du médecin traitant et des parcours de soins, n'est peut-être pas morte mais elle paraît moribonde, à moins de deux ans de son échéance. «Dans un coma dépassé», selon l'expression d'un leader médical. Sur ce diagnostic partagé, les deux principaux signataires initiaux, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ne contiennent plus leur exaspération et brandissent chacun dans leur registre des menaces de désengagement qui traduisent colère et désenchantement.
Un regain de tension qui intervient après que le conseil de l'UNCAM, où siègent les partenaires sociaux, a repoussé au 12 juin sa position sur les négociations conventionnelles.
Le SML sonne la charge la plus violente. Pour son président, Dinorino Cabrera, «l'UNCAM a fait son deuil de la convention et la profession est déjà en réalité sous RCM» (règlement conventionnel minimal, qui est un régime pénalisant applicable aux médecins libéraux en cas d'absence ou d'annulation de la convention).Ce responsable fait valoir qu'aucun avenant n'a été signé depuis l'accord de décembre 2007 sur l'extension de la permanence des soins et que, surtout, le directeur de l'assurance-maladie n'a adressé à la profession aucun signal tangible en 2008, sur aucun sujet. «Depuis six mois, c'est le néant, ras le bol de ce marasme, fulmine le Dr Cabrera. La maîtrise? On a le sentiment qu'ils n'y croient plus. Les spécialités cliniques? Certaines sont en perdition. Le secteur optionnel? Quatre ans après les accords d'août 2004, il n'y a toujours rien. L'informatisation? Les aides prévues ne sont pas versées et on ne nous informe pas. Et je ne parle même pas duC à 23euros qui ne veut plus rien dire.»
Parce que «se retirer d'une convention qui n'existe plus n'aurait aucun sens», le SML a décidé sa mise en congé de toutes les instances paritaires locales. «On est en RTT», ironise un cadre. Consigne a été donnée aux responsables locaux du SML de ne pas (ou plus) participer aux commissions conventionnelles locales et régionales qui sont les maillons de la vie conventionnelle et de la maîtrise médicalisée. Une décision à l'impact limité puisque, de toute façon, ces commissions ne sont généralement pas en ordre de marche. Pour autant, le SML «ne quitte pas la convention».
L'UNCAM « joue contre le contrat ».
Si la CSMF partage le constat d'une convention à bout de souffle, elle réserve sa stratégie en attendant la réunion du 12 juin du prochain conseil de l'UNCAM. La Confédération accuse néanmoins l'UNCAM d' «hypothéquer» par ses atermoiements l'avenir d'une convention «déjà asphyxiée par les contraintes de la loi de financement de la Sécurité sociale». Une allusion au mécanisme comptable des « stabilisateurs automatiques » qui repousse de six mois l'application des revalorisations d'honoraires.
Pour la CSMF, l'UNCAM « joue contre le contrat conventionnel et donne raison à tous ceux qui voudraient le supprimer pour faire des caisses et des médecins les simples exécutants d'un plan comptable». Déterminée à ne pas se rendre complice d'un tel scénario, la CSMF «exhorte» la caisse à réagir et lui lance un ultimatum. Le syndicat attend dès le 12 juin «des axes de négociation pluriannuels jusqu'en 2010» et dès le 13 juin l'ouverture de la négociationproprement dite. À défaut, le syndicat, qui réunit son conseil confédéral le 7 juin, tirera «toutes les conséquences» de cette situation de blocage.
L'avenir en pointillé.
Ce n'est pas la première fois que les syndicats signataires de la convention manifestent bruyamment leur impatience. D'une certaine façon, cela fait même partie du jeu. Mais leur nouvelle offensive contre l'immobilisme conventionnel intervient cette fois alors que le système lui-même semble à la croisée des chemins.
Pour certains, le champ de la « négo » traditionnelle avec la Sécu pourrait se réduire avec d'un côté des ARS (agences régionales de santé) qui coifferont la gestion du risque (donc la régulation médico-économique) et de l'autre des contrats individuels rémunérés à la performance. Quelle sera, l'an prochain, et après, la marge de manoeuvre réelle (économique et politique) des partenaires conventionnels ? L'UNCAM d'une part, les syndicats médicaux de l'autre, auront-ils la même sphère d'influence ? Et qui sera autour de la table ?
Autant de questions qui conditionnent l'avenir des conventions médicales au-delà des péripéties actuelles.
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