La rentrée est décidément riche en coups de théâtre. Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) a annoncé officiellement hier qu'il avait l'intention d'adhérer à la convention des médecins généralistes de 1998 et ses douze avenants. Cette adhésion (rendue possible depuis que le SML a été reconnu représentatif des généralistes en octobre 2002), a été décidée « à une très large majorité » à l'occasion d'un « conseil d'administration élargi », précise le SML.
En avril dernier, au moment de la rupture officielle (et soi-disant définitive) des négociations conventionnelles, le SML clamait haut et fort, au côté de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), que le système conventionnel avait vécu et que le ministre de la Santé serait désormais le seul interlocuteur valable des médecins libéraux, puisque l'assurance-maladie n'était pas en mesure de proposer une convention unique satisfaisante.
Pourquoi un tel revirement ? « La décision (du SML) pourrait surprendre », reconnaît le Dr Cabrera. Mais, explique-t-il, l'adhésion du SML à l'unique convention en vigueur, à défaut de convention unique pour les généralistes et les spécialistes, « est la seule stratégie faisable et productive ».
Selon le président du SML, ce sont les circonstances actuelles qui imposent à son syndicat ce nouveau choix stratégique. « Nous nous sommes battus pour une convention unique : force est de constater que la convention des médecins généralistes de 1998 a été reconduite », rappelle le président du SML. De plus, les déclarations tonitruantes de rupture avec les caisses d'assurance-maladie s'inscrivaient dans un « contexte bien déterminé de réforme rapide de l'assurance-maladie ». Or, non seulement ladite réforme a été reportée de l'automne 2003 à la fin de 2004, mais le ministre Jean-François Mattei n'a pas complètement utilisé ses prérogatives en matière de règlement conventionnel minimal (RCM).
Le ministre a préféré en effet que l'assurance-maladie et les syndicats médicaux lui fassent conjointement des suggestions de revalorisations tarifaires pour le RCM, ce que la CSMF et les caisses ont fait dans un « relevé de conclusions » considéré comme un « texte à la noix » par le Dr Cabrera. A la fois déçu par Jean-François Mattei et « trahi » par le président de la CSMF, son allié d'hier, le président du SML « en a assez de cette espèce de splendide isolement ». Le Dr Cabrera reprendra donc le chemin de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Et cela, même s'il reproche toujours à son président CFDT, Jean-Marie Spaeth, de « ne pas être l'homme de la situation » au regard du déficit abyssal de la Sécu. « Mais, lâche Dinorino Cabrera, à partir du moment où le gouvernement ne prend pas d'autres décisions, il faut bien que (le SML) prenne des initiatives ».
Ne pas oublier les spécialistes
Le président du SML « prend acte » du clivage entre généralistes et spécialistes qui devrait perdurer pendant « au moins dix-huit mois ». Il se résout à défendre leurs intérêts respectifs « à l'intérieur (de la convention) et à l'extérieur » car « c'est la meilleure façon de leur rendre service ». D'autant qu'ils sont aujourd'hui attaqués sur tous les fronts, et en particulier par le rapport Lalande sur la canicule et la Cour des comptes : « On se calme, cela fait beaucoup », commente le Dr Cabrera.
Du côté des généralistes, le Dr Cabrera constate que « la majorité » adhère à cette convention de 1998, que le Conseil d'Etat a épuré selon lui de ses aspects comptables (suppression en 1999 du barème de sanctions en cas de non-respect des références médicales opposables). Le SML reste toutefois « hostile » à l'option « médecin référent », et en particulier à la publicité que les caisses en ont faite, et « réservé » sur la télétransmission des feuilles de soins électroniques.
Mais, justement, le SML compte améliorer cette convention et ses avenants et « ne plus laisser le terrain à MG-France » en la matière. Après la consultation à 20 euros et la visite à 30 euros, « obtenus entre autres par le SML », le Dr Cabrera tient à être présent pour négocier notamment les modalités financières du nouveau système de permanence des soins et concrétiser les promesses faites aux médecins de montagne concernant la maintenance de plateaux techniques et la mise en place d'une banque de données épidémiologiques.
Le SML aurait-il oublié les spécialistes ? Point du tout, rétorque son président. Son organisation attaquera le nouveau RCM au Conseil d'Etat et profitera de la reprise du dialogue conventionnel pour « faire entendre la voix des spécialistes par un syndicat polycatégoriel ». Depuis 1998, en effet, la politique de la chaise vide des syndicats représentatifs des spécialistes a laissé la part belle à leur rival MG-France, qui a négocié successivement plusieurs avenants à la convention des généralistes, dont certains ont été « applicables par ricochet aux spécialistes », selon l'expression du Dr Cabrera. Cela a été le cas pour l'accord sur l'indemnisation de la télétransmission par exemple, et, tout récemment, pour les accords de bon usage des soins (AcBUS) relatifs à la prescription des transports sanitaires et à la prescription d'examens biologiques dans le cadre d'une exploration thyroïdienne.
Une année mouvementée
Depuis le début de l'année, l'histoire des relations conventionnelles multiplie les rebondissements.
- 10 janvier : les trois Caisses nationales d'assurance-maladie et quatre syndicats médicaux, la CSMF, le SML, Alliance et MG-France, s'entendent sur un accord-cadre en vue d'une nouvelle convention.
- 19 mars : les négociations achoppent sur la question des « espaces de liberté tarifaire » pour les spécialistes de secteur I.
- 30 mars : la CSMF et le SML refusent la « convention transitoire » proposée par les caisses et demandent « un accord minimal transitoire » garantissant une revalorisation tarifaire immédiate jusqu'au 31 décembre 2003.
- 16 avril : la séance de négociations de la dernière chance est un échec. La CSMF, le SML, Alliance et la FMF rompent toute relation avec les caisses, et en appellent au ministre pour rédiger un règlement conventionnel minimal.
- 20 mai : le ministère de la Santé publie dans le « Journal Officiel » un « avis relatif à la reconduction de la convention des médecins généralistes » de 1998.
- 25 août : la CSMF signe seule avec les caisses un « relevé de conclusions » qui propose pour le RCM des revalorisations ciblées pour certains spécialistes de secteur I.
- 22 septembre : le SML annonce son adhésion à la convention des médecins généralistes.
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