Les libéraux dans loi Santé

Le silence assourdissant de Marisol Touraine

Publié le 05/02/2015
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Crédit photo : PHANIE

La ministre de la Santé Marisol Touraine se désintéressait-elle de la médecine libérale de proximité et notamment des spécialistes cliniciens ?

« C’est vraiment le sentiment que nous avons aujourd’hui. La ministre avait annoncé sa volonté d’élaborer sa loi Santé dans la concertation. Mais, pour l’instant, on ne voit pas bien de quelle concertation il s’agit », s’agace le Dr Patrick Bouillot, président du syndicat national des spécialistes en endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et nutrition (SEDMEN).

En juillet dernier, le syndicat a pris l’initiative d’adresser un courrier à Marisol Touraine pour lui faire part de propositions à propos de sa future loi Santé qui doit être débattue à l’Assemblée à partir du mois d’avril. « Ce courrier a été cosigné par tous les représentants des structures représentatives de la spécialité, ainsi que par la fédération française des diabétiques. L’objectif était simplement de demander un rendez-vous à la ministre pour lui exposer nos propositions. À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse. Cette ignorance délibérée n’est pas acceptable. Et ce silence est tout simplement assourdissant », affirme le Dr Bouillot.

Le SEDMEN souhaitait notamment attirer l’attention sur la place des spécialités cliniques qui prennent en charge les pathologies chroniques. « La ministre affirme que la question des pathologies chroniques est une des priorités de sa loi. Mais, dans le texte actuel, tout est focalisé sur le premier recours, organisé autour des médecins généralistes et des professionnels paramédicaux. On a l’impression que la place des spécialistes cliniciens de proximité est délibérément oubliée. C’est un peu comme si la médecine spécialisée libérale de proximité était vouée à disparaître dans l’esprit de la ministre et des hauts fonctionnaires de son ministère », déplore le Dr Bouillot, en ajoutant que ces spécialistes de proximité, parmi lesquels figurent, bien sûr, les endocrino-diabétologues, ont un rôle « majeur à jouer dans l’amélioration et le développement de la prise en charge ambulatoire des patients porteurs de pathologies chroniques ».

Parcours de soins

Un autre chantier important du SEDMEN concerne le parcours de soins du patient diabétique de type 2. En avril 2014, la Haute autorité de santé (HAS) a publié un guide sur le guide sur le sujet. « Nous avons réussi à faire évoluer un peu ce document qui, au départ, ne nous convenait vraiment pas. On a obtenu quelques avancées mais le guide final comporte encore des points qui ne nous donnent pas entière satisfaction. Nous aimerions notamment que soit mieux définie la place de l’endocrino-diabétologue. Chacun a son rôle à jouer dans la prise en charge du diabète de type 2. Nous ne contestons pas le rôle du premier recours organisé autour des généralistes et des paramédicaux. Et nous ne demandons pas non plus à voir tous les diabétiques de type 2. Simplement, nous estimons qu’il y a quand même pas mal de gens pour lesquels notre expertise apporte une réelle valeur ajoutée », indique le Dr Bouillot.

Une fois ce constat dressé, le SEDMEN a décidé d’agir avec un certain pragmatisme en mettant en place le projet PRED2 (Parcours Région Endocrino-Diabéte de type 2). « L’idée est de constituer, dans chaque région, un binôme composé idéalement d’un libéral et d’un hospitalier pour qu’ils soient les animateurs de notre projet. Ces binômes vont d’abord être chargés de réunir des collègues endocrino-diabétologues de leur région pour discuter d’une des six grandes étapes retenues par la HAS dans son guide », souligne le Dr Bouillot.

Ces six étapes portent sur le repérage du diabète et la prise en charge initiale, les prescriptions liées à l’activité physique, les prescriptions liées à l’alimentation, l’initiation du traitement par insuline, la découverte d’une complication, et la prise en charge du diabète gestationnel. « Chaque région pourra choisir un de ces six thèmes pour mener une réflexion en prenant en compte le contexte local et la problématique de l’offre et de la demande de soins. Ensuite, une concertation plus large sera menée avec les acteurs du premier recours. L’objectif est, au final, de pouvoir faire des propositions concrètes qui seront adressées aux agences régionales de santé », indique le président du SEDMEN.? Le calendrier est déjà prévu : ce travail de réflexion et d’élaboration de propositions sera conduit au premier semestre 2015. « Et nous devrions organiser un séminaire national en octobre », précise le Dr Bouillot.

Antoine Dalat

D’après un entretien avec le Dr Patrick Bouillot, président du syndicat national des spécialistes en endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et nutrition (SEDMEN)


Source : Bilan spécialistes