Avec l'évolution technique du service, l'épaule est soumise à rude épreuve lors de l'armer, notamment chez le joueur de haut niveau. Le geste de l'armer (ou première phase du lancer) consiste d'abord en une montée du membre supérieur, suivie d'une rétropulsion en rotation externe maximale, puis d'une rotation interne avec une légère adduction et pronation. « Cette mise en rotation très rapide externe et interne de l'épaule est extrêmement contraignante pour l'articulation gléno-humérale ainsi que pour les autres articulations de l'épaule (omo-thoracique, acromio- et sterno-claviculaires, sous-acromiales) », souligne le Dr Gilles Daubinet, Institut de l'appareil locomoteur et médecin fédéral national de la Fédération française de tennis. Elle favorise peu à peu une distension de la capsule articulaire responsable d'une augmentation progressive de la mobilité de la tête humérale, ce qui va entraîner la survenue de lésions intra-articulaires (lésions du bourrelet glénoïdien, lésions des ligaments gléno-huméraux). Le geste de l'armer peut aussi favoriser des processus de compression de la glène postérieure qui entre en conflit avec la face profonde du supra-épineux : on parle de conflit glénoïdien postéro-supérieur. Il existe aussi, en fonction du geste, des conflits antéro-supérieur et postéro-inférieur.
Le coude intervient également lors de cette phase du lancer avec une flexion-extension très violente et une pronation. Ce qui entraîne une mise en jeu très importante du biceps, d'où la survenue possible de lésions du tendon du long biceps dans l'articulation gléno-humérale. « Les pathologies gléno-humérales acquises lors du geste de l'armer sont nombreuses et variées, précise le Pr Jacques Rodineau, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. On peut néanmoins brosser deux grands tableaux cliniques : les lésions responsables de douleurs et d'une gêne fonctionnelle, variables au rythme de l'activité sportive, et les lésions qui aboutissent à des sensations d'instabilité de l'épaule au début brutal ou progressif lors d'un geste d'armer. »
Un bilan précis des lésions s'impose
La stabilité de la tête humérale repose essentiellement sur la capsule articulaire, les ligaments et surtout les muscles qui entourent la tête humérale. C'est pourquoi une épaule douloureuse par laxité acquise lors du geste de l'armer (EDLAA) chez un joueur de tennis nécessite impérativement un bilan rachidien, neurologique et un bilan des autres articulations afin de rechercher la cause de ce dérangement. Néanmoins, remarque le Dr Daubinet, « les signes cliniques étant très nombreux et variés, mais peu spécifiques, c'est en définitive l'interrogatoire et les examens complémentaires, notamment l'arthroscanner et l'électromyogramme, qui sont les plus utiles au diagnostic. »
« Un certain nombre de tests cliniques sont utiles pour déterminer l'existence ou non d'une instabilité, notamment antérieure », ajoute le Dr Patrick Le Goux, hôpital Ambroise-Paré et médecin de la FFT. Ce sont les tests d'appréhension et de recentrage qui visent à subluxer vers l'avant la tête humérale. Ils permettent de démasquer un caractère potentiellement instable de l'épaule et notamment de détecter des lésions frustes capsulo-labrales ou des ligaments gléno-huméraux. Ils ont donc une bonne valeur d'orientation, permettant de pousser les explorations vers d'autres examens complémentaires, voire jusqu'à l'arthroscopie qui, dans certains cas, a un rôle à la fois diagnostique et thérapeutique.
Le traitement d'une épaule douloureuse par laxité acquise lors du geste de l'armer (EDLAA) repose sur trois grands volets : le repos sportif en cas de véritable crise douloureuse, le soulagement de la douleur gléno-humérale à l'aide des antalgiques de palier 1 ou 2, des AINS et des décontractants. Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes sont parfois utiles, mais le Pr Rodineau insiste sur « leur utilisation précautionneuse tant en termes d'indications que de réalisation. En outre, le recours à la corticothérapie locale ne doit avoir pour seul objet que soulager le patient afin de lui permettre d'effectuer son programme de rééducation ».
La rééducation vise à améliorer la stabilité de l'épaule et repose sur plusieurs aspects : la récupération d'une amplitude articulaire normale, un renforcement musculaire ciblé sur les rotateurs internes et externes et les fixateurs de l'omoplate, la rééducation par la proprioception qui utilise des stimulations le plus proches possible du réel et qui vise à restaurer des programmes moteurs indispensables ou à en acquérir de nouveaux, le réapprentissage ou l'apprentissage du geste de l'armer.
D'après un entretien avec le Dr Gilles DaubinetT, Institut de l'appareil locomoteur, médecine physique et rééducation, traumatologie du sport et médecin fédéral national de la Fédération française de tennis, le Pr Jacques Rodineau, service de médecine physique, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris et le Dr Patrick Le Goux, rhumatologue, attaché de traumatologie du sport à l'hôpital Ambroise-Paré, Paris et médecin de la FFT.
Les manifestations douloureuses de l'EDLAA lors de l'armer
- Douleurs antérieures de l'épaule, associées ou non à une « micro-instabilité » : elles traduisent des lésions par étirement des structures capsulo-labrales antérieures et par atteinte des ligaments gléno-huméraux.
- Douleurs postérieures de l'épaule : elles sont liées à des contraintes de compression de la glène postérieure.
- Douleurs liées à des signes de conflit consécutifs à l'hypermobilité de la tête humérale par « déstabilisation de la coiffe » (qui ne joue plus son rôle de centreur actif de la tête humérale sur la glène).
Priorité aux mesures préventives dès le plus jeune âge
Des mesures préventives permettent de limiter les pathologies gléno-humérales acquises lors du geste de l'armer. Elles consistent en la réalisation d'exercices d'étirement capsulaire, avec notamment le stretching de l'articulation en rotation interne, et de mouvements de musculation spécifique, à effectuer avant un match.
Comme ces pathologies sont inhérentes au geste technique, elles peuvent survenir chez le jeune joueur. Il importe donc de ne pas attendre leur survenue pour adopter ces mesures préventives et éduquer les joueurs de tennis dès l'âge de 10-12 ans
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