Le projet fut long et fastidieux, mais le chromosome Y a fini par livrer ses secrets à un groupe de chercheurs américains du MIT de Cambridge et de la Washington University School of Medicine de St Louis. De nombreux cas d'infertilité masculine sont attribués à des défaut génétiques. Leur nature pourra certainement être précisée grâce aux données acquises par Skaletsky et coll.
La difficulté de ce projet de séquençage résidait dans le fait que le chromosome Y comporte un nombre très important de séquences répétées. Or, pour séquencer un chromosome, les chercheurs commencent par le casser en petits morceaux qu'ils analysent individuellement. Il faut ensuite ordonner les informations obtenues de manière à reconstituer le chromosome à la manière d'un puzzle. Mais quand toutes les pièces du puzzle sont pratiquement identiques, le travail est ardu. Profitant du savoir-faire acquis lors du séquençage du reste du génome humain, Skaletsky et coll. y sont finalement parvenus.
Un chromosome autosomique ancestral
Les chromosomes X et Y dérivent probablement d'un seul et unique chromosome autosomique ancestral. Cependant, ils ont dérivé l'un de l'autre, à tel point que 95 % du chromosome Y ne peuvent plus recombiner avec le chromosome X (voir encadré). Skaletsky et coll. ont baptisé cette région du chromosome Y « MSY » pour « Male-Specific region of Y ».
Le MSY compte 23 millions de paires de bases euchromatiques incluant au moins 156 phases de lecture ouverte (ORF). La moitié des ORF code pour des protéines. Seulement 18 de ces ORF sont uniques : 60 appartiennent à 9 familles au sein desquelles il existe au moins 98 % de similarité au niveau nucléotidiques. Ainsi, le MSY coderait au moins pour 27 protéines ou familles de protéines. La moitié de ces protéines est exprimée de manière prédominante ou exclusive au niveau des testicules.
Trois types de région
L'analyse de la séquence du MSY a, en outre, montré l'existence de trois types de région. Près de 15 % du MSY correspondent à des régions récemment acquises par le chromosome Y à partir du chromosome X. Ces régions sont identiques à 99 % à leur contrepartie sur le chromosome X. Elles sont pratiquement uniquement composées de séquences répétées non codantes. D'autres régions du MSY (20 % du MSY) ne partagent plus que 60 à 96 % d'identité avec des segments du chromosome X. Dans cette deuxième catégorie de séquences sont essentiellement codées des protéines exprimées de manière ubiquitaire dans l'ensemble des organes. Le reste du MSY (de 60 à 65 %) ne montre pas de similarité avec les séquences du chromosome X. Il comprend des séquences répétitives, en particulier de très grands palindromes (séquences répétées en tandem inversés) presque parfaits et pouvant atteindre jusqu'à 3 méga paires de bases. C'est dans ces régions que sont localisées la majorité des ORF codantes ou non codantes.
Le chromosome Y, unique dans la cellule, est donc également unique par son organisation. Ces deux caractéristiques sont d'ailleurs probablement liées (voir encadré).
H. Skaletsky et coll., « Nature » du 19 juin 2003, pp. 825-837, et S. Rozen et coll., pp. 873-876.
Un mode de recombinaison spécifique
Dans une cellule, à l'exception du chromosome Y, tous les chromosomes possèdent un homologue avec lequel ils sont susceptibles d'échanger des fragments d'ADN. Ces transferts d'informations génétiques portent le nom de recombinaison génétique homologue. Ils permettent la réparation des chromosomes endommagés et la génération de la diversité génétique au cours de la gamétogénèse. Sur le chromosome Y, seulement 5 % de l'information génétique est susceptible de recombiner avec le deuxième chromosome sexuel, le chromosome X. Le MSY n'a aucun partenaire pour la recombinaison. Comment peut-il alors être réparé ? En analysant soigneusement les données du séquençage du chromosome Y, les chercheurs du MIT ont élucidé ce problème : le MSY recombine avec lui-même. Il procède à des transferts d'informations génétiques non réciproques (conversions géniques) entre les bras des palindromes qu'il comporte.
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