CET ÉTÉ, le 9 août exactement, Xavier Bertrand, ministre de la Santé, convoquait les dirigeants de 130 établissements psychiatriques français pour une grande réunion sur la sécurité. Une semaine plus tôt, un patient, auteur présumé d'un meurtre, s'était enfui de l'hôpital psychiatrique de Pau, après avoir agressé deux infirmières. L'événement faisait suite à plusieurs drames commis par des malades considérés comme dangereux au cours de l'été.
A cette occasion, le ministre de la Santé n'avait pas annoncé de mesures « coup de poing », ni fait de grandes promesses. Mais il avait promis « l'accélération »<\!p>du plan Santé mentale, et confirmé au passage que les crédits pour 2005 (17 millions d'euros) avaient bien été versés et reçus et que, pour 2006, 44 millions d'euros seraient affectés dès février.
Circonspection.
Il y a une semaine exactement, Jean Castex, le directeur de l'Hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) a réuni directeurs d'hôpitaux, fédérations d'établissements et syndicats de praticiens. Il leur a présenté Alain Lopez, inspecteur général, qui prend la tête du comité de pilotage du plan Santé mentale.
La réunion portait sur deux volets : le tutorat, nouveau dispositif de formation des jeunes infirmières par leurs aînées, et le cahier des charges du volet « investissement » du plan. L'instauration du tutorat est « en cours de finalisation », indique la Dhos. L'opération devrait être financée à hauteur de 25 millions d'euros dès l'an prochain.
Quant à l'investissement, c'est la Mainh (Mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier) qui est chargée de coordonner la ventilation du milliard et demi d'euros attribué aux travaux dans le secteur psychiatrique (qui s'ajoutent aux 10 milliards d'euros du plan Hôpital 2007). L'allocation effective de ces moyens devrait intervenir en avril 2006.
Bernard Raynal, président de l'Adesm (Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale) se réjouit de cette annonce, mais reste prudent. « Cet axe (investissement) est très important pour nous. D'autant que cela pourrait aller très vite car les dossiers - dont la majeure partie concerne l'immobilier - sont déjà prêts dans les hôpitaux. Nous espérons que des lourdeurs de procédure ne viendront pas faire obstacle. »
Le Dr Norbert Skurnik, président du Syndicat des psychiatres de secteur (SPS), reste pour sa part « très circonspect ». « Quelque chose ne tourne pas rond. Nous apprenons par la presse la nomination du président du comité de pilotage. On nous présente deux textes sans concertation. Le plan Santé mentale avance, dit-on, mais nous jugerons sur pièces. » Quant aux moyens financiers, ils ne feraient, selon le président du SPS, que « combler les trous ». « Le compte n'est pas bon. Nous avons perdu 2 % de pouvoir d'achat. Nous demandons qu'il n'y ait pas d'artifice comptable. »
Un état des lieux des besoins et priorités est en cours dans les régions, précise la Dhos, après une enquête menée par les agences régionales d'hospitalisation (ARH) auprès des établissements.
Veiller au bon « fléchage ».
Une partie des crédits 2005 (17 millions d'euros) réservés au volet « organisation des soins » (développement de l'ambulatoire et des alternatives à l'hospitalisation ; création d'équipes mobiles spécialisées pour la prise en charge des personnes en situation de précarité ; création d'un centre de ressources sur la prise en charge des responsables d'infractions sexuelles) aurait été distribuée auprès des ARH depuis septembre. « Nous veillerons à ce que les versements soient effectivement fléchés sur la santé mentale, met en garde Bernard Raynal. Il faut accélérer les prises de décisions. »
De fait, certaines intentions prennent du temps pour se concrétiser. Par exemple, les unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa) devraient être créées dans chaque région... mais pas avant 2009. « Au lieu de décider la mise en place de quatre unités, il faudrait en prévoir une dizaine dès maintenant », insiste Bernard Raynal.
Manque de prévention.
Des moyens spécifiques doivent également être octroyés à la sécurité, en dehors du budget spécifique du plan. Il s'agirait de constituer des équipes de type PTI (protection des travailleurs isolés) et de financer des équipements. Enfin, des mesures médico-sociales ont été décidées, visant à désencombrer les hôpitaux psychiatriques et à créer des structures pour les patients qui ne relèvent plus de la psychiatrie. Toutes les Crsm (commissions régionales de concertation en santé mentale) devraient être constituées d'ici à la fin de l'année.
Un observateur pessimiste sur la psychiatrie en France évoque pour sa part des « commissions funèbres ». « Le plan lui-même annonce la mort de la psychiatrie : on privilégie la répression ou la médecine curative à la prévention. Les fous comme les vieux, les handicapés, bref ceux qui dérangent, on n'en veut pas ».
Un premier bilan de l'avancement du plan est prévu courant décembre. « On n'a pas de visibilité, prévient le Dr Skurnik. On attend de voir les budgets arriver dans nos hôpitaux. »
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