Dans quelles conditions le salariat d’un assistant paramédical peut-il être instauré dans un cabinet d’ophtalmologie de secteur 1 ? Et un ophtalmologiste qui ne fait pas de dépassements d’honoraires a-t-il intérêt à se faire aider par un orthoptiste ? Avant d’aborder le sujet, le Dr Thierry Bour (Metz) tient à évoquer la situation actuelle des ophtalmologistes exerçant en secteur 1. « On constate une très nette perte d’attractivité de ce secteur dans notre spécialité, qui se voit tout d’abord au niveau des chiffres. Aujourd’hui, 80 % des nouvelles installations en ophtalmologie se font en secteur 2. Et la proportion de confrères en secteur 1 ne cesse de diminuer. On compte aujourd’hui 44 % d’ophtalmologistes en secteur 1 contre 49 % il y a quelques années », explique le nouveau président du SNOF.
Le Dr Bour souligne aussi le fait que l’ophtalmologie est une des spécialités où l’écart des revenus entre le secteur 1 et le secteur 2 est l’un des plus importants.« En moyenne, un ophtalmologiste de secteur 2 a des revenus, en bénéfices non commerciaux (BNC), supérieurs de 45 % par rapport à un secteur 1 », indique-t-il, en insistant pour nuancer quelques idées reçues. « On entend souvent dire que l’ophtalmologie est bien située dans l’échelle de revenus des spécialistes. C’est effectivement le cas mais pour les secteurs 2. Cela n’est pas exact pour les secteurs 1, qui naviguent entre la sixième et la dixième position des spécialistes secteurs 1, d’après les chiffres de la CARMF », indique le Dr Bour.
Autre constat : la part des actes de chirurgie réalisés aux tarifs opposables, ne cesse de diminuer. « Entre 2010 et 2013, le nombre d’actes de chirurgie effectués en secteur 1, n’a quasiment pas évolué (+ 1 %). Dans le même temps, ceux réalisés en secteur 2 ont augmenté de 14 %. Résultat, en 2013, sur la totalité des actes de chirurgie ophtalmologique, 29 % étaient réalisés en secteur 1, contre 35 % en 2007 », détaille le président du SNOF.
Blocage de la cotation
Ce dernier met aussi en avant le problème du blocage de la cotation des actes. « On peut prendre l’exemple de la cataracte, qui est notre acte phare en chirurgie. Toutes spécialités confondues, il s’agit même de l’acte chirurgical le plus pratiqué en France : on en recense aujourd’hui 750 000 par an et probablement un million d’ici 15 ans », explique le Dr Bour, en ajoutant que la cotation de l’acte n’a pas évolué depuis 1989. « À l’époque, elle était de 269 euros. Aujourd’hui, elle est de 272 euros. Dans le même temps, l’inflation a progressé de 54 % ! Aujourd’hui, le tarif moyen pratiqué en secteur 2 pour une cataracte est celui du secteur 1 en 1989, augmenté de l’inflation ».
Salarier un assistant paramédical
C’est dans ce contexte qu’intervient la réflexion sur la place du salariat et du travail aidé pour les cabinets de secteur 1. « Aujourd’hui, le problème est simple : si l’on tient compte du salaire de l’orthoptiste, des charges sociales et des investissements nécessaires, cela coûte au moins 50 000 euros par an pour mettre en place un travail aidé dans un cabinet. Au final, l’opération n’est guère incitative pour un ophtalmologiste de secteur 1. L’augmentation d’activité qu’il va pouvoir réaliser avec l’assistance d’un orthoptiste va correspondre au coût du salaire et des charges. Nous avons fait des études sur le travail aidé qui montrent que la rentabilité oscille entre – 5 % et + 10 % pour les ophtalmologistes de secteur 1, alors que la rentabilité est en moyenne d’un tiers pour le secteur 2 », souligne le Dr Bour.
Celui-ci plaide donc pour des mesures permettant aux ophtalmologistes de secteur 1 d’exercer dans de meilleures conditions et d’avoir recours au travail aidé s’ils le souhaitent. « Cela passe en priorité par des mesures tarifaires adaptées. On demande donc que la troisième phase de la classification commune des actes médicaux (CCAM), qui entre en vigueur ce mois de janvier, s’applique également pour notre spécialité. Nous avons en effet été écartés de la revalorisation des actes qui devait intervenir avec cette troisième phase », indique le président du SNOF en mettant en avant plusieurs autres propositions sur la table.
« Un premier scénario possible serait l’instauration de ce qui pourrait être appelée la MTA, majoration pour travail aidé. Cela serait un complément de rémunération fixe par patient, un peu sur le modèle de ce qui a été introduit pour les patients de plus de 80 ans : plus 5 euros par consultation, payé trimestriellement. Un autre scénario serait une répartition des coûts entre la caisse et le médecin. Dans ce cas, la caisse pourrait mettre en place un forfait qui correspondrait à la moitié du coût d’un assistant. À charge pour le médecin de compléter en augmentant son activité. Cette solution permettrait d’obtenir une rentabilité proche de celle obtenue en secteur 2 ».
Encore un autre solution : l’extension de la prise en charge des cotisations sociales au sein du cabinet. « Aujourd’hui, les médecins de secteur 1 ont un peu plus des deux-tiers de leurs cotisations sociales qui sont prises en charge par les caisses. On pourrait très bien imaginer que cette mesure soit étendue aux orthoptistes salariés », souligne le Dr Bour. « On a l’impression que les discussions avec l’assurance-maladie sontactuellement au point mort et qu’il y a une volonté du ministère de reprendre les choses en main. Il y a cependant nécessité de voir évoluer la situation, c’est dans l’intérêt de toutes les parties et des deux secteurs pour améliorer l’offre de soins et pérenniser sa qualité ».
D’après un entretien avec le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF)
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