En avant-propos du rapport qu'elle publie sur la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l'Académie nationale de médecine regrette de « n'avoir pas été associée » à l'élaboration du texte législatif. Elle observe « qu'en dépit de son statut et de sa mission, aucune place (ou presque) ne lui est attribuée dans l'ensemble des dispositions législatives en cause. Il lui serait apparu légitime de figurer de droit au sein du Haut Conseil national de la santé. Elle demande que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'art. L.1411-1-4 tienne compte de cette observation ».
Par ce rapport présenté par Denys Pellerin, au nom de la commission « Ethique et responsabilités professionnelles », et d'un groupe de travail formé par Gabriel Blancher, Georges David et Charles Laverdant, l'Académie entend encore une fois formuler ses réserves quant à l'inspiration même du texte « qui se veut le reflet de l'évolution » de la relation malade/médecin dans notre société.
De fait, font observer les auteurs du rapport, un grand nombre de règles jusqu'alors considérées, justement, comme relevant du devoir des médecins et qui sont inscrites dans le code de déontologie, figurent maintenant comme des droits du malade. « L'Académie déplore qu'un texte législatif contribue à substituer une attitude consumériste de l'usager à la tradition hippocratique et humaniste de la médecine française. »
Les réserves portent sur trois principaux points : l'accès au dossier médical, le risque d'un affaiblissement du secret médical et le manque de précision quant aux définitions relatives à la réparation des conséquences des risques sanitaires.
Secret médical et secret professionnel
S'il n'est pas question de remettre en cause le bien-fondé du désir du malade de disposer de son dossier médical, la commission réitère cependant un avis précédent de l'Académie : « Certaines notes personnelles du médecin devraient pouvoir ne pas figurer dans le dossier. » Ces notes concernent les informations personnelles, intimes ou familiales confiées au médecin, qui ont pu l'aider à l'élaboration du diagnostic, mais qui ne sont pas directement en rapport avec l'affection en cours pour lequel a été ouvert un dossier médical. La remarque vaut aussi pour psychiatrie.
L'Académie se déclare également « profondément préoccupée par les diverses dispositions du texte législatif qui risquent de menacer le respect absolu du secret médical ». Le terme même a pratiquement disparu dans le texte, au profit de celui de secret professionnel, « certes respectable, mais qui ne saurait avoir la même signification éthique que le secret médical », font remarquer les auteurs du rapport. La confusion entre les deux termes peut être dommageable, notamment lors des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation. Elles sont constituées, selon la loi (art. L.1142 et L.1143), de représentants des usagers et de représentants d'établissements, ainsi que de membres de l'Office national d'indemnisation. Chacun des membres, dit aussi la loi (art. L.114-9), peut obtenir communication de tout document, y compris d'ordre médical. « Bien que tenus au secret professionnel, rien ne justifie qu'ils aient connaissance de données relevant du secret médical, dès lors qu'ils sont sans rapport avec l'objet du litige », s'inquiète l'Académie. Or, ce type d'information peut toucher au secret de la personne humaine, c'est-à-dire aux données les plus intimes et les plus personnelles qu'un patient confie à son médecin. Le secret médical absolu est le fondement de toute relation entre le malade et son médecin, rappelle l'Académie.
Aléa et risques sanitaires
Concernant l'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic et de soins, les auteurs notent avec satisfaction que son principe est désormais inscrit dans la loi. De même, ils se félicitent de la distinction clairement établie entre les risques sanitaires qui résultent d'une faute et engagent la responsabilité professionnelle, et l'aléa, sans faute démontrée qui justifie la prise en charge par la solidarité nationale et reste indépendant des assurances professionnelles. Cependant, ils regrettent que les travaux de l'Académie portant sur les définitions de l'aléa, de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale n'aient pas été pris en compte. Ces définitions ne figurent pas dans le texte et sont pourtant indispensables à l'appréciation des faits. L'Académie tient donc à souligner que « quel que soit le terme employé, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ne met pas nécessairement en cause l'acte médical ». Et que, d'autre part, dans le traitement de l'aléa médical, « il eut été souhaitable d'insister sur la prévention », en exigeant une chaîne spécifique de qualité et de sécurité des établissements. En effet, événement dommageable inattendu, indépendant de l'affection pour laquelle les soins ont été sollicités, l'aléa met en cause toute la chaîne de soins et l'ensemble de l'organisation et du fonctionnement d'un établissement. Les principes de chaînes de qualité sont aujourd'hui bien établis dans la recherche de la sécurité industrielle ou des transports, mais sont « encore trop absents de la culture hospitalière », conclut le rapport.
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